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LES ENJEUX STRATÉGIQUES DES CÂBLES SOUS-MARINS DE FIBRE OPTIQUE DANS L’ARCTIQUE. Par Michael DELAUNAY

mardi 7 juin 2022 Michael DELAUNAY

L’histoire des câbles sous-marins a plus de 170 ans et est bien documentée. Pourtant, l’extraordinaire réseau océanique et maritime, littéralement démultiplié par les performances de la fibre optique, est bien moins connu en France. Raison de plus pour lire l’étude précise de Michael Delaunay (1) qui propose un fort utile état des lieux, en traitant de cet espace quasi vierge qu’est le bassin arctique. L’auteur en profite pour mettre en relief les aléas, notamment financiers, qui pèsent sur les réalisations et les projets dans ce domaine, tout en fournissant de nombreux et indispensables liens informatiques.
Car, il s’agit potentiellement d’un « Grand jeu » (les États y sont des acteurs essentiels, à commencer par la Russie), les pratiques de partenariat, de compétition et de concurrence étant évolutives et parfois peu prévisibles. On y retrouve d’ailleurs des parentés avec les grands programmes réalisés dans l’espace extra-atmosphérique (partenariats public-privé, coopérations internationales, dualité des moyens civils et militaires…). Dans cette perspective, l’Arctique devient bien un nouveau théâtre des relations internationales.

Thierry Garcin, Docteur d’Etat en Science Politique, https://geopoweb.fr/ecrire/?exec=auteur&id_auteur=82, Le 7 juin 2022

(1) Michael Delaunay est Docteur en Science Politique, de l‘Université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) et chercheur à l‘Observatoire de la Politique et la Sécurité de l’Arctique (OPSA), Montréal, Canada.

LES ENJEUX STRATÉGIQUES DES CÂBLES SOUS-MARINS DE FIBRE OPTIQUE DANS L’ARCTIQUE

Introduction

En 2015, la presse internationale a fait état de la présence d’un navire-espion russe capable d’espionner, d’endommager voire de couper les câbles sous-marins de fibre optique [1]. Le monde semblait alors (re)découvrir le caractère stratégique de cette infrastructure à la base de l’internet mondial, puisque 99% des données échangées dans le monde sont transmises par ces câbles [2]. Pourtant, le caractère stratégique des réseaux de câbles sous-marins de télécommunications ne date pas de 2015. Dès sa naissance, à la fin du XIXe siècle, les puissances de l’époque et notamment la Grande-Bretagne et la France, mais aussi l’Allemagne et les États-Unis dans une moindre mesure, vont saisir tour à tour l’importance de pouvoir exercer un certain contrôle sur leur réseau de câbles sous-marins de télégraphe connectant leurs territoires. Cette technologie permettait de sécuriser et d’accélérer considérablement les échanges d’informations sur de très longues distances, à l’époque où les puissances européennes étendaient leurs empires, tout en donnant la possibilité à celui qui contrôle tout ou partie du réseau d’accéder aux informations échangées par ses adversaires, mais aussi en donnant la possibilité de restreindre voire de couper les communications d’un ou plusieurs adversaires [3]. Le réseau de câbles sous-marins de télégraphe va se déployer tout autour de la planète, d’abord au profit des États et des entreprises occidentales.

Après la Seconde Guerre mondiale, les Américains, talonnés par les Européens et les Japonais, vont prendre le contrôle du secteur des câbles sous-marins, au travers d’abord de la technologie des câbles coaxiaux dans les années 1950, puis de la fibre optique dans les années 1980. Cette dernière technologie est le point départ d’un nouveau réseau étendu qui va passer de 25 câbles posés ou en projet en 1996 [4], à 436 en 2021 [5], représentant une distance de 1,3 million de kilomètres aujourd’hui. Le réseau a tissé sa toile partout dans le monde ou presque, tout en suivant les mêmes routes tracées par le télégraphe à la fin du XIXe siècle et du coaxial, tout en ajoutant cette fois-ci une nouvelle route peu utilisée jusque-là et qui va devenir majeure elle aussi, la route transpacifique. Aujourd’hui encore, le secteur est dominé par des entreprises occidentales qui maitrisent toute la chaine de valeur avec Alcatel Submarine Networks (Franco-finlandais), SubCom (américain) et NEC (Japonais) et sont à l’origine de la majorité du réseau actuel [6]. Mais un quatrième joueur est apparu en 2008 avec Huawei Marine Networks (HMN), devenu HMN Technologies et qui tend à se désolidariser des routes habituelles tracées par les entreprises occidentales. Certains acteurs veulent en effet s’affranchir des routes traditionnelles utilisées depuis l’apparition du réseau de câbles sous-marins de télégraphe. C’est le cas par exemple du projet BRICS Cable [7] qui ne verra le jour que sous une forme moins ambitieuse, mais qui traduit bien la volonté des pays en voie de développement de développer des connexions directes entre eux, sans avoir à passer par le réseau occidental et notamment américain. Ces nouvelles routes passent aussi par la route numérique de la soie, mise en place en coopération étroite entre le pouvoir chinois et les champions nationaux du secteur [8], et qui emprunte de nouvelles routes délaissées par les entreprises occidentales [9].

Au-delà de ces nouveaux tracés, une nouvelle route semble s’ouvrir dans une région qui jusque-là était inaccessible aux câbles sous-marins : l’Arctique. Aidée par les effets du réchauffement climatique qui rend petit à petit l’accès plus facile à la région, une nouvelle route s’ouvre et est en passe de devenir la plus stratégique de toutes pour les États, tout en apparaissant indispensable pour l’internet mondial. Les projets sur cette route des données en devenir se sont multipliés au fil des ans. Plusieurs ont échoué, mais d’autres semblent aller de l’avant, malgré des investissements nécessaires annoncés très importants, soit plusieurs centaines de millions de dollars, voire le milliard de dollar d’investissements.

I. L’Arctique, cette nouvelle autoroute de l’internet mondial en devenir

L’Arctique offre de nombreux avantages pour les câbles sous-marins de fibre optique, que ce soit au travers du Passage du Nord-Est (PNE) côté russe, ou au travers du Passage du Nord-Ouest (PNO) côté nord-américain, et ceci n’a pas échappé à certaines entreprises et certains États qui souhaitent désormais y faire poser des câbles sous-marins de fibre optique, et ce pour diverses raisons et usages.

1. L’Arctique, une nouvelle route des données

Une route plus rapide

Le premier avantage à poser des câbles sous-marins de fibre optique dans l’Arctique est la vitesse de transmission des données. Cette route étant plus courte pour connecter l’Europe, l’Asie et l’Amérique du Nord, elle permet d’avoir une latence (temps de réponse entre une requête sur le réseau et la réception des données) plus faible et donc une fluidité plus grande des applications utilisées. Pour faire le trajet Londres-Yokohama, il n’y a que 14 000 km de distance à parcourir pour le signal, que ce soit au travers du PNO ou du PNE, contre plus de 30 000 km actuellement avec le câble SeaMeWe-3 [10]. Cela permettrait de réduire par trois le temps de latence, passant ainsi de 400 ms à 100 ms, entre l’Asie et l’Europe.

Éviter les goulots d’étranglements et les activités maritimes

En regardant la carte n°1, on peut voir que les routes empruntées pour aller depuis l’Europe en Asie ne sont pas sans dangers. Le détroit de Gibraltar, le détroit de Sicile, la Méditerranée, l’Egypte avec le canal de Suez et la mer Rouge, le détroit de Bab el Mandeb, le détroit d’Ormuz, le détroit de Malacca et le détroit de Luçon ainsi que les mers de Chine, où les câbles sont nombreux, peuvent se révéler dangereux. La concentration des activités maritimes dans ces zones est la menace la plus importante pour les câbles sous-marins, car les premières causes de coupures ou de dommages faits aux câbles sont dues à la pêche au chalut et aux ancres des navires [11]. Mais le danger vient également du fait que certaines de ces zones sont potentiellement instables politiquement, où parfois l’autorité étatique est nulle et où il y est difficile d’y mener des opérations de pose ou de réparation en sécurité. Un navire de pose et de réparations de câbles sous-marins ayant déjà été attaqué par des pirates en mer Rouge en 2016 [12].

Carte n°1 : le réseau des câbles sous-marins de fibre optique en 2022  [13]

En comparaison, l’Arctique concentre une activité maritime beaucoup moins importante, est stable politiquement et la piraterie y est inexistante. Par ailleurs, on y trouve peu de détroits si l’on passe par le PNE. La route arctique représente donc une alternative aux routes traditionnelles déjà très empruntées et plus longues pour relier les trois grands pôles d’internautes et les plus grandes économies que sont l’Asie, l’Europe et l’Amérique du Nord, rompant pour la première fois avec les routes traditionnelles de transport des données.

Une route qui permet de connecter une majorité d’internautes

Cette route est donc capable de connecter l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Asie, soit près de 70% de la population mondiale. En prenant en compte les connexions directes des câbles que nous présenterons plus loin, ce ne sont pas moins de 2,8 milliards d’êtres humains qui pourront être connectés. Cela représente, au vu du taux de connexion actuel de ces pays [14] 2,28 milliards d’internautes, soit 46% des internautes de la planète. Les projets de câbles annoncés ou en cours de pose dans l’Arctique vont donc pouvoir connecter directement près de la moitié des internautes de la planète.

Une route transarctique qui intéresse certains États et entreprises

Pour des raisons de développement économique notamment, plusieurs pays et entreprises s’intéressent à cette nouvelle route. En Russie cet intérêt n’est pas nouveau, car cela fait depuis plus de 20 ans que des projets existent, civils d’abord, mais aussi militaires plus récemment. En Finlande, la pose d’un câble sous-marin de fibre optique dans l’Arctique a été sérieusement étudiée dès 2016 au travers de plusieurs rapports, dont un de l’ancien Premier ministre finlandais Paavo Lipponen [15]. La ville de Kirkenes et sa région en Norvège [16], veulent devenir un carrefour d’échange majeur des données et la connexion à un câble international est donc indispensable. La Chine s’intéresse également dès 2016 aux projets russes et finlandais [17] alors que la route de la soie digitale est (re)lancée à partir de 2015. La Chine sera même un temps annoncée comme le financeur de cette nouvelle route, après que des rencontres à haut niveau gouvernemental aient eu lieu sur la question entre la Chine, la Russie et la Finlande [18].

2. L’Arctique attire les projets de câbles

Des tentatives infructueuses depuis 20 ans

Bien que l’Arctique soit la région la plus touchée par les effets du réchauffement climatique, fa-cilitant ainsi la navigation, et que des projets de câbles existent depuis au moins 1999, aucun projet de câble transarctique n’a encore vu le jour. Le projet le plus ancien est le câble russe ROTACS (Rus-sian Optical Trans-Arctic Submarine Cable System) de l’entreprise Polarnet. Estimé à 1,9 milliard de dollar il prévoyait de connecter Londres et Tokyo ainsi que l’Arctique russe via le PNE en partenariat avec l’entreprise russe Transneft [19]. Ce câble devait servir à l’État russe, car il était prévu qu’il comporte une capacité réservée à l’usage des autorités russes [20] , traduisant ainsi dès le début des années 2000 l’intérêt de la Russie pour la zone, mais aussi du caractère stratégique de ce projet. Bien que soutenu par l’État russe, ce projet ne verra jamais le jour.

Côté américain, c’est d’abord le projet Arctic Link, annoncé en janvier 2010, et qui devait connecter l’Asie à l’Europe via l’Amérique du Nord à travers le PNO, pour un montant estimé à 1,2 milliard de dollars14. Ce projet ne vit jamais le jour par manque de financements, et ce malgré une demande de soutien formulée auprès du gouvernement américain. De l’autre côté de la frontière, le projet de câble canadien Arctic Fibre devait relier l’Asie à l’Europe via le PNO, et avec lui les communautés autochtones du Nord canadien, dont celles du Nunavut pour un montant évalué à 650 millions de dollars. Ici aussi une demande de subvention envoyée au gouvernement fédéral canadien restera lettre morte. Le projet fut ensuite racheté en 2016 [21] par Quintillion qui n’était au départ qu’un partenaire d’Arctic Fibre pour le segment prévu en Alaska.

Enfin, côté finlandais, est lancé en 2016 le projet Arctic Connect qui visait à connecter l’Europe du Nord au Japon et la Chine en passant par le PNE. Ce câble était porté par Cinia, une entreprise finlan-daise de télécommunication détenue à 70% par l’État finlandais. Le financement du projet était assuré par une entreprise d’investissement japonaise, Sojitz Corporation, ainsi que par des investisseurs russes (Megafon) et norvégiens (Bredbåndsfylket), pour un coût évalué entre 800 millions et 1,2 milliard de dollars [22]. Le projet sera abandonné en 2021 alors qu’un nouveau projet de câble concurrent sur la même route prenait lui de l’avance : le projet Polar Express [23].

Les projets en cours

Le câble Polar Express, annoncé en novembre 2020, reprend en partie le projet ROTACS, et vise à connecter les ports de l’Arctique russe depuis Teribërka jusqu’à Vladivostok pour 2026. Il est entièrement soutenu et financé par l’État russe [24] et dispose du soutien de la société d’État Rosatom [25]. Ce câble, qui s’étendra sur 12 650 km sera opéré par l’entreprise d’État Morsviazsputnik [26] et coûtera 889 millions de dollars [27]. Pour l’occasion, une usine de câbles sous-marins de fibre optique flambant neuve a été installée à Mourmansk [28]. Celle-ci utilise des fibres optiques chinoises et des composants russes [29]. Une première section du câble a été posée durant l’été 2021 par l’entreprise russe Upravleniye Perspektivnykh Tekhnologiy (UPT) qui a la charge de la fabrication et de la pose du câble.

Au Canada, c’est le projet Eastern Arctic Undersea Fibre Optic Network (EAUFON) qui va de l’avant avec une première section (sur trois) du câble de 1 200 km posée en 2021 entre les communautés de Kuujjuarapik, Umiujaq, Inukjuak, Puvirnituq et Chisasibi [30] par l’entreprise Alcatel Submarine Networks [31]. Ce câble, financé par l’administration régionale Kativik (ARK) devrait être opérationnel en décembre 2021.

Les projets annoncés

Tout d’abord, le gouvernement du Nunavut (GN) a annoncé un nouveau projet de tracé de câble sous-marin de fibre optique. Celui-ci devrait connecter Iqaluit au projet EAUFON de l’ARK et plus tard le reste des communautés du Nunavut, dotant ainsi l’archipel arctique canadien d’un solide maillage de câbles de fibre optique à terme [32].

Un autre projet a récemment été annoncé dans l’Arctique canadien, peu après que le projet soutenu par l’État russe, Polar Express ait posé le premier segment de son câble dans le PNE. C’est le projet de câble Far North Fiber, annoncé en décembre 2021 et qui est porté par l’entreprise finlandaise Cinia qui a entre-temps abandonné Arctic Connect. Ce projet est mené en partenariat avec Far North Digital, une jeune entreprise créée en Alaska en 2018, ainsi que l’entreprise japonaise ARTERIA. Le projet est évalué à 1,15 milliard de dollars et doit connecter à partir de 2025 (coupant ainsi l’herbe sous le pied du câble Polar express prévu pour 2026) l’Irlande, la Norvège, la Finlande, l’Islande, le Groen-land, le Canada, l’Alaska et enfin le Japon avec un câble d’ASN.

Carte n° 2 : Le câble Far North Fiber [33]

Le dernier projet annoncé dans l’Arctique canadien est le projet de l’entreprise CanArctic Inuit Net-works, créée par Doug Cunningham (ex-Arctic Fiber) et Madeleine Redfern, ancienne maire d’Iqaluit [34]. Le projet Sednalink vise à apporter une connexion internet haut débit à Iqaluit depuis le Sud [35] en se connectant au projet de câble Leif Erikson, de l’entreprise Bulk Fiber Network, qui doit relier le Sud de la Norvège au Canada à Happy Valley-Goose Bay (Terre-Neuve et Labrador) pour une mise en service prévue en 2023 [36].

II. Les enjeux pour les États de l’ouverture de cette nouvelle route de l’internet mondial

Dans tous les projets, évoqués plus haut, la place des États est prépondérante. Il apparaît en effet que dans l’Arctique, les projets de télécommunications et plus particulièrement les projets de câbles sous-marins de fibre optique qui demandent de gros investissements de départ ne peuvent aller de l’avant sans une aide financière publique en tout ou partie. L’Arctique, dans le domaine des télécommunications, notamment au Canada, est considéré comme étant un no business case, c’est-à-dire une zone où il n’est pas possible de faire des profits du fait du peu d’habitants et des con-traintes (immensité, climat, coûts de construction, fenêtre de construction et de navigation très limi-tées…). On constate qu’en effet, à une exception près, tous les projets de câbles sous-marins qui ont vu le jour ou qui sont en cours de développement dans la région bénéficient du soutien des États, de près ou de loin.

1. Des projets qui n’existent que grâce aux États

Les projets de câbles sous-marins financés par les États dans l’Arctique

La liste des systèmes de câbles sous-marins de fibre optique installés avec le soutien des États dans l’Arctique est longue et elle commence par le dernier d’entre eux, le projet Polar Express qui ont l’a vu est entièrement soutenu, financé et opéré par l’État russe au travers de ses entreprises. D’ailleurs, selon un responsable, le projet ne devrait pas rentrer dans ses frais [37]. En Norvège, le double câble Svalbard Undersea Cable System [38] installé en 2004 et qui relie l’archipel du Svalbard à la Norvège a été financé par Telenor, entreprise détenue en majorité par l’État norvégien. De plus, ce câble a été posé au profit de l’agence spatiale norvégienne et de l’entreprise d’État Space Norway. En Islande, c’est encore une fois l’État qui soutient le secteur, puisque la majorité de ses câbles sont financés et opérés par des entreprises d’État, dont deux sont opérés par un PPP avec Farice ehf, et deux par des entreprises publiques, et ce depuis 2004. Un nouveau câble doit d’ailleurs être mis en service cette année, c’est le câble IRIS également détenu et financé par l’entreprise Farice [39]. Au Groenland, c’est l’entreprise d’État Tele-Greenland [40] qui a financé complètement les deux câbles Greenland Connect et Greenland Connect North, posés par Huawei Marine. Dans l’Arctique canadien, au Nunavik, la compagnie locale créée par l’ARK, Tamaani est à l’origine du câble EAUFON, financé à 100% par des fonds publics provinciaux et fédéraux. Il en est de même pour les projets de câble du GN au Nunavut. Le projet Sednalink a annoncé que son projet devrait être financé en majorité par de l’argent public. Par ailleurs, il est à noter que le projet Far North Fiber est porté et en partie financé par Cinia, une entreprise d’État détenue à majorité par l’État finlandais et dont l’origine du projet découle d’un rapport d’un ancien Premier ministre et d’une demande du ministère des Transports. Enfin, en Alaska, le projet de câble sous-marin de fibre optique AU-Aleutian [41] de l’entreprise GCI doit être installé en 2022 et connecter les îles aléoutiennes avec une subvention couvrant quasiment 50% des coûts [42].

Cette liste est non exhaustive, car elle ne couvre pas les infrastructures terrestres et spatiales permet-tant d’amener internet dans l’Arctique, et qui sont elles aussi fortement soutenues par les finances publiques des États circumpolaires. Dans l’Arctique, dans le domaine des télécommunications, la place des gouvernements et des administrations locales, via leurs financements de projets, apparaît donc comme centrale. Sans ces financements, il n’y aurait peut-être même pas d’accès à internet, car une majorité de projets de télécommunications (si ce n’est tous) n’ont pu voir le jour dans l’Arctique qu’avec le soutien de l’État.

L’exception de Quintillion

Il manque un câble dans cette liste, car son cas est à part, et constitue une exception qui jusqu’ici confirme la règle : à savoir qu’aucun projet de télécommunication dans l’Arctique et notamment les projets de câbles sous-marins, ne peut voir le jour sans l’aide d’un État.

Quintillion, qui n’existait que pour mettre en œuvre un segment du câble du projet Arctic Fiber, va racheter en 2016 ce projet et le prendre à son compte [43]. En 2017, une première section du câble est posée le long de la côte Nord et Ouest de l’Alaska par ASN. Comme le projet original d’Arctic Fibre, le câble de Quintillion espérait et espère toujours pouvoir arriver à mener à bien ses différentes phases du projet avec l’aide de fonds privés pour connecter l’Asie à l’Europe. En effet, les investisseurs qui ont contribué à la pose de ce premier segment de câble sont purement privés, puisqu’il s’agit du fonds d’investissement Cooper Investment Partners [44] et de la banque d’investissement française Natixis. Ces deux investisseurs ont injecté respectivement 200 et 50 mil-lions de dollars dans le projet en janvier 2017. Cet achèvement est unique, car pour la première fois un projet de câble 100% privé voit le jour dans l’Arctique. Toutefois, le 12 avril 2018, Elizabeth Pierce, l’ancienne PDG de Quintillion, s’est rendue au FBI à New York après la publication le jour même d’un acte d’accusation de la cour fédérale de Manhattan l’accusant de fraude [45]. Il était repro-ché à Elizabeth Pierce d’avoir falsifié plusieurs contrats passés avec des entreprises de télécommu-nication en Alaska entre 2015 et 2017. Cela afin d’attirer d’autres clients et faire ainsi grossir le possible retour sur investissement frauduleusement évalué à 24 millions de dollars la première année et à 1 milliard de dollars sur toute la durée de vie du câble. C’est précisément cette fraude qui aurait permis d’attirer des investisseurs qui ont soutenu le projet de câble de Quintillion. Reconnue coupable, l’ancienne PDG de Quintillion a été condamnée à cinq ans de prison en juin 2019 par une cour new-yorkaise [46]. Depuis, Quintillion n’a pas étendu son système de câble et continue de chercher des financements pour traverser le passage du Nord-Ouest et connecter l’Europe à l’Asie, mais sans succès jusque-là.

2. Intérêt de l’usage dual des câbles sous-marins dans l’Arctique pour les États

Le rôle des États est donc central dans le développement des systèmes de câble sous-marin de fibre optique dans l’Arctique. Sans aides publiques, sans soutien, ces projets qui se développent dans un environnement où les espérances de retour sur investissements pour des entreprises privées sont nulles au vu des investissements de départ nécessaires et des contraintes, ne pourraient pas voir le jour. Bien qu’apparemment non rentables (notamment pour les systèmes de câbles locaux), les États ne sont pas perdants pour autant lorsqu’ils financent ces projets, et ceux-ci sont de deux ordres : civils et militaires et c’est là que résident les enjeux stratégiques du développement des câbles sous-marins de fibre optique dans l’Arctique.

Le développement du Nord grâce à internet

i. Connecter les populations

L’arrivée des câbles sous-marins de fibre optique apporte un espoir de développement économique qui est l’une des priorités du Conseil de l’Arctique et du Conseil économique de l’Arctique [47], et est un enjeu majeur pour les pays circumpolaires dans leurs régions arctiques. Les opportunités économiques dans le Nord ne sont pas nombreuses et reposent avant tout sur l’extraction minière et le tourisme. L’accès à l’économie numérique peut constituer une opportunité de revenus, comme l’espère par exemple Kirkenes en Norvège, mais plus globalement tout le Nord des pays nordiques qui veulent développer leur économie numérique au moyen d’un câble transarctique, d’abord avec Arctic Connect et maintenant avec Far North Fiber.

ii. Développer les fermes de serveurs

C’est notamment par l’implantation de fermes de serveurs dans l’Arctique que pourrait se développer l’économie numérique dans le Nord. Ceci n’est pas nouveau au vu du développement de ce secteur dans les régions froides, comme on peut le voir en Islande, mais aussi en Finlande (Google), en Suède (Facebook, AWS) et en Norvège (Microsoft), ainsi qu’au Québec. Ces régions ont de solides atouts : une bonne connexion au réseau mondial d’internet, de l’air frais permettant de réduire les coûts de refroidissement des salles de serveurs et un accès à des énergies renouvelables en quantités et à des prix bas.

iii. Accompagner le secteur extractif

Dans le domaine de l’extraction des ressources naturelles, l’accès à internet peut être un moteur de développement. En Russie, le gouvernement et les agences fédérales responsables de la route maritime du Nord souhaitent développer le câble Polar Express pour y connecter les ports et les sites d’extraction de ressources tout le long du PNE. Cela pourrait également permettre de contrôler des installations industrielles à distance tout en développant les véhicules autonomes pour les entreprises d’extraction, comme l’annoncent les promoteurs du projet Polar Express, avec des camions-bennes autonomes par exemple qui seraient déjà en développement [48]. La navigation autonome serait également envisagée [49].

iv. Mieux observer la Terre depuis l’espace

Le recueil des données satellites à orbite polaire est aussi un secteur qui bénéficierait d’une meilleure connexion à internet dans l’Arctique grâce aux câbles sous-marins. Plusieurs stations spatiales terrestres existent dans l’Arctique et sont dépendantes d’une bonne connexion à internet pour offrir des services de recueil de données rapides et fiables. La plus grande d’entre elles est la Svalbard Satellite Station (SvalSat) de l’agence spatiale norvégienne, elle est la station de recueil de données satellites la plus importante au monde avec plus de 100 antennes. La pose du double câble reliant l’archipel à l’île en 2004 est la raison de son succès. Il existe dans l’Arctique d’autres stations moins importantes comme à Salmijärvi en Suède, à Inuvik au Canada, ou encore à North Pole en Alaska, entre autres.

v. Surveiller les changements climatiques

Les câbles sous-marins de fibre optique peuvent faciliter l’observation de l’espace, de la terre, mais également des océans, on les appelle les Science Monitoring And Reliable Telecommunications (SMART) cables [50]. Il est possible de surveiller le fond des océans à des fins scientifiques, en apposant des capteurs sur les répéteurs, présents tous les 70 à 100 km sur les câbles. Cette technologie n’est pas nouvelle, mais elle a reçu en 2012 le soutien de l’ONU au travers de la création d’une Joint Task Force qui promeut l’utilisation des câbles commerciaux pour développer la surveillance des océans, des effets du changement climatique et des tsunamis. Les projets de câble dans l’Arctique pourraient donc bénéficier aux recherches scientifiques.

Les câbles sous-marins commerciaux peuvent être utiles aux militaires

Certains de ces usages des câbles sous-marins peuvent avoir une double utilité et non seulement servir dans le monde civil, mais aussi aux militaires.

i. Détection sous-marine

La surveillance du fond des océans au travers de câbles SMART peut également servir à surveiller les mouvements de sous-marins, soit avec les mêmes capteurs, soit en y ajoutant d’autres types de capteurs sur des systèmes de câbles sous-marins de fibre optique commerciaux. Le système américain SOSUS, était un réseau dédié de capteurs hydrophones déployé durant la guerre froide et qui permettait d’écouter les fonds marins et de détecter les passages de sous-marins. Aujourd’hui des systèmes plus modernes existent, comme l’Integrated Undersea Sensor System (IUSS) de l’US Navy, « la Grande Muraille sous-marine » chinoise et le système russe « Harmonie » [51]. L’armée canadienne souhaite d’ailleurs disposer de capacités de surveillance sous-marine dans l’Arctique et y développe des projets pour pouvoir surveiller le PNO à distance [52]. Dans ce cas, l’ajout de capteurs sur le projet de câble Far North Fiber pourrait être un moyen très efficace de surveiller le PNO pour l’armée canadienne, pour moins cher que des systèmes dédiés uniquement à cela.

ii. Connecter les bases militaires

Au-delà de la détection des mouvements de surface et de sous-marins, l’arrivée de câbles sous-marins dans l’Arctique est aussi le moyen de mieux connecter les différentes bases militaires présentes dans la région. Elles sont nombreuses en Russie dans le PNE et dépendent presque toutes du satellite. C’est également le cas dans l’Arctique canadien et au Groenland.

Carte n° 3 : Carte du projet Quintillion  [53]

Il existe d’ailleurs un projet de câble sous-marin de fibre optique militaire russe dans l’Arctique qui a été dévoilé, servant un réseau militaire fermé passant par le PNE au profit des armées russes [54] et non relié à l’internet civil. Il a été annoncé comme devant connecter les bases militaires russes dans le PNE entre Severomorsk et Vladivostok, tout en facilitant la surveillance de la zone allant de la Norvège à la Chine, alors qu’il se peut qu’il comporte des senseurs sous-marins [55].

iii. Améliorer la surveillance de l’Arctique

Une meilleure connexion offerte par les câbles sous-marins de fibre optique dans l’Arctique peut également favoriser l’observation satellitaire et le transfert de ces données depuis les diverses stations terrestres de recueil au profit des militaires. Plusieurs fois au moins des données reçues au travers de la station SvalSat auraient servi à des fins militaires. Cela ne peut que contribuer à améliorer la connaissance du milieu des pays circumpolaires et donc leur contrôle des activités menées dans le Nord par des acteurs extérieurs.

Conclusion

Bien qu’encore aucun projet de câble transarctique n’ait vu le jour en 20 ans, l’Arctique semble proche de devenir une nouvelle route des données mondiales. En plus de contribuer à la redondance du réseau internet mondial, cette nouvelle route devrait permettre de connecter les populations du Nord, favoriser leur développement, tout en connectant plus rapidement les grands foyers d’internautes que sont l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Asie. Cette route est également importante pour les États circumpolaires en cela qu’elle ne peut s’ouvrir qu’avec leur soutien et à leur profit, aussi bien dans le domaine civil que militaire, du fait du caractère dual des câbles sous-marins de fibre optique. Bien que cette route n’apparaisse pas encore comme profitable, les États circumpolaires ont tout intérêt à y investir pour en retirer des bénéfices, alors que la route transarctique a le potentiel de connecter 70% des habitants de la planète, donnant ainsi accès à une masse d’information immense pour les services de renseignements des pays desservis par ces câbles.

Michael Delaunay, le 6 juin 2022

Notes

[3Voir Daniel R Headrick, The Invisible Weapon, 1991

[6Ces trois entreprises ont pesé entre 2017 et 2021 pour 90% dans la production et l’installation de nouveaux systèmes de câbles sous-marins (Understanding a changing telecom landscape through two decades of TeleGeography maps. TeleGeography, 2021)

[32Eastern Arctic Underwater Fibre Optic Network (EAUFON), KRG Council Meeting May 2021

[44Appartenant à Len Blavatnik, ressortissant americano-brintannique né en Union soviétique, homme le plus riche de Grande-Bretagne, il possède entre-autre la Warner et pèserait actuellement 20 milliards de dollars selon Forbes.

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