LES ÉTATS-UNIS ET LE PROTECTIONNISME. UNE CONSTANCE ET DES VARIANTES
PROCHE-ORIENT. 7 OCTOBRE : UN AN APRÈS… Ph. Mocellin et Ph. Mottet
POUR L’INDE, LA RUSSIE EST UN INVESTISSEMENT A LONG TERME. Olivier DA LAGE
LA CHINE ET L’ARCTIQUE. Thierry GARCIN
L’ESPACE, OUTIL GÉOPOLITIQUE JURIDIQUEMENT CONTESTÉ. Quentin GUEHO
TRIBUNE - FACE À UNE CHINE BÉLLIQUEUSE, LE JAPON JOUE LA CARTE DU RÉARMEMENT. Pierre-Antoine DONNET
DU DROIT DE LA GUERRE DANS LE CONFLIT ARMÉ RUSSO-UKRAINIEN. David CUMIN
ENTRETIEN EXCLUSIF AVEC EMMANUEL LINCOT sur la Chine et l’Asie centrale. « LE TRÈS GRAND JEU »
ENTRETIEN AVEC HAMIT BOZARSLAN. DE L’ANTI-DÉMOCRATIE À LA GUERRE EN UKRAINE
ENTRETIEN EXCLUSIF - LE MULTILATERALISME AU PRISME DE NATIONS DESUNIES. Julian FERNANDEZ
L’AFRIQUE ET LA CHINE : UNE ASYMÉTRIE SINO-CENTRÉE ? Thierry PAIRAULT
L’INDO-PACIFIQUE : UN CONCEPT FORT DISCUTABLE ! Thierry GARCIN
L’ALLIANCE CHIP4 EST-ELLE NÉE OBSOLÈTE ? Yohan BRIANT
BRETTON WOODS ET LE SOMMET DU MONDE. Jean-Marc Siroën
LES ENJEUX DE SÉCURITE DE L’INDE EN ASIE DU SUD. Olivier DA LAGE
LA CULTURE COMME ENJEU SÉCURITAIRE. Barthélémy COURMONT
L’ARCTIQUE ET LA GUERRE D’UKRAINE. Par Thierry GARCIN
LA REVANCHE DE LA (GEO)POLITIQUE SUR L’ECONOMIQUE
UKRAINE. CRISE, RETOUR HISTORIQUE ET SOLUTION ACTUELLE : « LA NEUTRALISATION ». Par David CUMIN
VLADIMIR POUTINE : LA FIN D’UN RÈGNE ? Par Galia ACKERMAN
« LA RUSE ET LA FORCE AU CŒUR DES RELATIONS INTERNATIONALES CONTEMPORAINES »
L’INTER-SOCIALITE AU COEUR DES DYNAMIQUES ACTUELLES DES RELATIONS INTERNATIONALES
LES MIRAGES SÉCURITAIRES. Par Bertrand BADIE
LE TERRITOIRE EN MAJESTÉ. Par Thierry GARCIN
UNION EUROPÉENNE : UNE SOLIDARITÉ TOURNÉE VERS UN PROJET DE PUISSANCE ? Par Joséphine STARON
LES TALIBANS DANS LA STRATÉGIE DIPLOMATIQUE DE LA CHINE. Par Yohan BRIANT
🔎 CHINE/ETATS-UNIS/TAÏWAN : LE TRIANGLE INFERNAL. Par P.A. Donnet
LA RIVALITÉ CHINE/ÉTATS-UNIS SE JOUE ÉGALEMENT DANS LE SECTEUR DE LA HIGH TECH. Par Estelle PRIN
🔎 LES « MÉTAUX RARES » N’EXISTENT PAS... Par Didier JULIENNE
🔎 L’ARCTIQUE DANS LE SYSTÈME INTERNATIONAL. Par Thierry GARCIN
LES PARAMÈTRES DE LA STRATÉGIE DE DÉFENSE DE L’IRAN. Par Tewfik HAMEL
🔎 LES NOUVELLES GUERRES SYSTEMIQUES NON MILITAIRES. Par Raphaël CHAUVANCY
L’INTERNATIONALISME MÉDICAL CUBAIN AU-DELÀ DE L’ACTION HUMANITAIRE. Par G. B. KAMGUEM
UNE EUROPE TRIPLEMENT ORPHELINE
LA DETTE CHINOISE DE DJIBOUTI. Par THIERRY PAIRAULT
CONSEIL DE SECURITE - L’AFRIQUE EST-ELLE PRÊTE POUR PLUS DE RESPONSABILITÉ ?
COMMENT LA CHINE SE PREPARE POUR FAIRE FACE AU DEUXIEME CHOC ECONOMIQUE POST-COVID. Par J.F. DUFOUR
GUERRE ECONOMIQUE. ELEMENTS DE PRISE DE CONSCIENCE D’UNE PENSEE AUTONOME. Par Christian HARBULOT
LA CRISE DU COVID-19, UN REVELATEUR DE LA NATURE PROFONDE DE L’UNION EUROPEENNE. Par Michel FAUQUIER
(1) GEOPOLITIQUE D’INTERNET et du WEB. GUERRE et PAIX dans le VILLAGE PLANETAIRE. Par Laurent GAYARD
La GEOPOLITIQUE DES POSSIBLES. Le probable sera-t-il l’après 2008 ?
« Une QUADRATURE STRATEGIQUE » au secours des souverainetés nationales
L’Europe commence à réagir à l’EXTRATERRITORIALITE du droit américain. Enfin ! Par Stephane LAUER
LA DEFENSE FRANCAISE, HERITAGE ET PERPECTIVE EUROPEENNE. Intervention du Général J. PELLISTRANDI
L’EUROPE FACE AUX DEFIS DE LA MONDIALISATION (Conférence B. Badie)
De la COMPETITION ECONOMIQUE à la GUERRE FROIDE TECHNOLOGIQUE
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TRUMP REINVENTE LA SOUVERAINETE LIMITEE. Par Pascal Boniface
Une mondialisation d’Etats-Nations en tension
LES THEORIES DES RELATIONS INTERNATIONALES AUJOURD’HUI. Par D. Battistella
MONDIALISATION HEUREUSE, FROIDE et JEU DE MASQUES...
RESISTANCE DES ETATS, TRANSLATION DE LA PUISSANCE
Ami - Ennemi : Une dialectique franco-allemande ?
DE LA DIT A LA DIPP : LA FRAGMENTATION DE LA...
Conférence de Pierre-Emmanuel Thomann : La rivalité géopolitique franco-allemande (24 janvier 2017)
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Conférence de Bertrand Badie : Les fractures moyen-orientales (10 mars 2016)
BREXIT, COVID-19, QATARGATE, GUERRE EN UKRAINE - CE QUE LES ACTEURS DE L’UNION EUROPÉENNE FONT DES CRISES
mardi 12 mars 2024 FAURE Samuel B.H., AVRIL Lola et LEBROU Vincent
On se rappelle la célèbre phrase de Jean Monnet : « l’Europe se fera dans les crises et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises ». Il est particulièrement notable que « la séquence politique 2019-2024, correspondant au « quinquennat » des présidences des Institutions de l’Union européenne (Commission, Parlement, Conseil européen) ait été rythmée par un ensemble de « crises » ». À la suite de multiples enquêtes auprès des acteurs, les trois chercheurs (1) nous proposent dans ce bel article, une lecture des crises européennes avec une démarche de sociologie politique. Les crises européennes multidimensionnelles sont analysées comme une ressource pour construire de nouvelles politiques publiques. Une démarche scientifique qui se positionne en dehors des jugements et critiques habituelles de rigidité et/ou de risques de désintégration de l’Union. La polycrise est perçue comme un outil d’adaptation, une vision pas si courante dans cette période de « désamour » des européens pour leur « maison commune... ».
(1) Lola Avril est chercheuse post-doctorante (University of Eastern Finland). Samuel B. H. Faure est maître de conférences à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye (Cergy Paris Université, chercheur associé au laboratoire CNRS Printemps, Université Paris-Saclay). Vincent Lebrou est maître de conférences en science politique (Université de Franche-Comté, chercheur associé au laboratoire SAGE, Université de Strasbourg. Ouvrage collectif : « C’est la crise » Contribution à une sociologie politique de l’action publique européenne. 2023. Histoire et Science Politique. La Fabrique du politique (Volume 7)
BREXIT, COVID-19, QATARGATE, GUERRE EN UKRAINE : CE QUE LES ACTEURS DE L’UNION EUROPEENNE FONT DES CRISES
L’effet des crises sur l’Union européenne
Si l’on remonte le fil de l’histoire de l’intégration européenne, ce phénomène « crisologique » semble plus ancien. Au XXIe siècle, il est compliqué de trouver une période lors de laquelle l’UE n’a pas été traversée par des crises, à tel point que cette situation politique ait été qualifiée par l’ancien président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, de « polycrise » : crise économique et financière lors de la Grande Récession des années 2007-2009, crise migratoire ou crise de l’espace Schengen, crise sécuritaire lors de la vague d’attentats djihadistes perpétrés dans les années 2010, crise institutionnelle découlant des longues négociations entre Bruxelles et Londres faisant suite au référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l’UE organisé en 2016, etc.
Nous pourrions ainsi remonter le temps jusqu’à la genèse de la construction européenne dans les années 1950 en rappelant les mots de Jean Monnet, « L’Europe se fera dans les crises et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises ». L’UE aurait donc, de tout temps, était dans un rapport consubstantiel avec les « crises ». Il découlerait de ces évènements imprévus – politiques, économiques, militaires, etc. – qui viendraient percuter l’UE, deux types de conséquences quasi mécaniques : soit les crises renforceraient l’UE en accentuant sa dynamique d’intégration politique et institutionnelle, soit les crises l’affaibliraient en produisant un effet de fragmentation voire de désintégration européenne.
Les crises comme dispositif de gouvernement
Dans « C’est la crise ». Contribution pour une sociologie politique de l’action publique européenne, nous interrogeons ce sens commun, ce récit explicatif dominant selon lequel la gouvernance politique, l’architecture institutionnelle et les politiques publiques de l’UE sont le produit de la polycrise. Ainsi plutôt que de se demander ce que les crises font à l’UE, nous avons choisi de comprendre ce que les acteurs de l’UE ont fait de ces crises. En somme, nous montrons dans cet ouvrage que la présidente de la Commission et celui du Conseil européen, le président de la République française et le chancelier allemand, les diplomates et les hauts fonctionnaires, les industriels et les lobbyistes ont utilisé les crises (partie 1), comme un registre d’action (partie 2), une ressource politique (partie 3), et un enjeu de mobilisation (partie 4).
Dès lors, clamer une formule telle que « Whatever it takes » comme l’a fait Mario Draghi, ou que « Nous sommes en guerre » comme Emmanuel Macron, c’est faire de la politique, c’est hiérarchiser les problèmes publics à mettre à l’agenda pour débloquer des ressources supplémentaires, c’est préférer telle modalité d’action ou d’inaction à Bruxelles, Strasbourg et dans les capitales nationales. C’est à la mise à jour de ce travail politique de labellisation c’est-à-dire de mise en priorité de certains problèmes publics (la gestion d’une pandémie ou la régulation des flux migratoires) par rapport à d’autres (le changement climatique ou la régulation des GAFAM), que nous nous sommes consacrés.
Ainsi, l’objet de l’ouvrage ne consiste pas à trancher le débat scientifique et politique consistant à savoir si la polycrise est un vecteur d’une Union « toujours plus étroite » ou de sa désintégration. De même, nous cherchons à dépasser les approches qui découpent les crises en trois séquences analytiques : celle du déclenchement des crises qui vise à en identifier les causes, celle de leur gestion qui se focalise notamment sur le rôle des acteurs politiques et les mesures qu’ils adoptent pour les résoudre et enfin l’analyse des effets des crises, qui s’opère souvent dans une dialectique entre rupture et continuité.
Comme nous l’indiquons dans le chapitre 1, en lieu et place de l’approche séquentielle, nous proposons plutôt « une lecture processuelle des crises […] appréhendées comme le produit d’un travail conjoint impliquant une variété d’acteurs multi-situés, et une approche sociologique de l’UE » (p. 38-39). Cette démarche est résolument sociologique et appréhende les crises comme des construits sociaux. Il s’agit alors de comprendre quels usages les acteurs font du label de la crise et de saisir les formes et fonctions de ce label dans leurs pratiques et leurs discours. De la même manière, notre ambition n’est pas de régler l’épineuse question conceptuelle de la définition des crises mais bien de les envisager comme un support, un label, un mot d’ordre, un cadrage d’action publique, manifestement toujours plus mobilisé, et ce faisant, constitutif d’un mode de gouvernement ordinaire dans l’UE de ce début du 21ème siècle.
Enquêter au sein de l’Union européenne
Ce livre n’est pas un essai politique écrit en quelques mois mais un ouvrage de sciences sociales du politique qui a nécessité l’engagement d’une équipe de recherche et plusieurs années de travail. En ce sens, il s’inscrit dans les questionnements propres de la sociologie politique, et plus largement dans ceux relatifs au traitement de l’objet « crise » dans les études européennes par Cyril Benoît et Hugo Canihac. De chapitre en chapitre, on plonge dans la politique de l’UE au XXIe siècle, on rencontre ses acteurs, leurs stratégies et leurs pratiques, leurs succès et leurs échecs. On y trouve des ministres et des députés, des lobbyistes et des industriels, des policiers et des militaires, des avocats et des journalistes, des fonctionnaires et des citoyens.
En centrant notre propos sur ces acteurs de l’Europe, leurs trajectoires et leurs ressources, nous parvenons à montrer que la crise ne relève pas d’une sorte de choc exogène soudain auquel il faudrait, souvent dans la précipitation, apporter des solutions concrètes. Au contraire, la crise peu aussi représenter un moment propice à la réaffirmation de certaines positions ou pratique : c’est, par exemple, ce que montre le chapitre d’Agathe Piquet sur le rôle d’Europol dans la gestion des crises post-attentat depuis le début des années 2000. D’actrice longtemps secondaire dans la gouvernance européenne, l’agence est progressivement parvenue à s’imposer comme un interlocuteur politique incontournable. Le travail réalisé autour de l’amélioration de sa réputation institutionnelle, et sa propension dans le même mouvement à tisser des liens plus étroits avec les fonctionnaires nationaux en charge des questions de sécurité sont autant d’éléments qui ont œuvré au renouvellement de son statut dans le paysage politico-institutionnel européen.
Cet exemple constitue une invitation à s’approprier la diversité des thématiques traitées dans le livre. On y parle de fonds structurels avec Vincent Lebrou, de régulation du secteur financier avec Lola Avril, de politisation avec Stéphanie Novak et de légitimation avec Anja Thomas, de politique culturelle avec Anne-Laure Riotte, et de lutte contre le terrorisme avec Agathe Piquet, de médias participatifs avec Florian Tixier, et de politique étrangère et d’avions de combat avec Samuel Faure.
Sur cette dernière entrée relative au domaine de la défense, l’auteur démontre une dynamique contre-intuitive d’européanisation de la politique britannique d’armement dans un contexte de désintégration européenne en analysant le lancement, à l’été 2018, du programme d’avions de combat Tempest associant le Royaume-Uni à deux pays européens, l’Italie et la Suède. Plutôt que de retenir une fois encore le « special partnership » entretenu avec les États-Unis, ou de s’engager avec son alter-ego stratégique, la France, les acteurs politico-militaires britanniques ont retenu une coopération européenne avec des États perçus comme des « junior partners » : c’est la thèse de « l’Europe au service de la Couronne » (p. 201). Cette action gouvernementale révèle un phénomène politique inattendu : un État en crise se légitime par la crise, « au nom du Brexit ».
Il est aussi question d’euroscepticisme, Morgan Le Corre-Juratic, Cal Le Gal et Virginie Van Ingelgom révélant les effets contrastés des crises sur les opinions publiques européennes. Là où certaines crises telles que le Brexit génèrent davantage d’adhésion en faveur de l’UE, d’autres, en revanche, peuvent susciter un sentiment de défiance comme ce fut le cas au sein des pays les plus marqués par la crise économique et financière, et notamment par les politiques d’austérité, ayant fait suite à la Grande Récession. Enfin, les crises peuvent renforcer un autre rapport à l’UE correspondant à un sentiment d’ambivalence ou d’indifférence des citoyens pour l’UE.
Ces quelques constats rapidement posés nous incitent à renouveler certains questionnements historiques de la sociologie politique de l’UE. En effet, outre les outils de résolution des crises, que l’on pense au plan Juncker ou aux récentes mesures anti-Covid, il convient également de mieux saisir ce que ce les crises font aux opinions publiques. Situés à distance des espaces de décision et de controverse, les citoyens sont désormais de plus en plus nombreux à se détourner, dans l’indifférence, d’un projet qui avait vocation à constituer un horizon de paix et de prospérité sociale. Qu’en sera-t-il à l’avenir ? Difficile de répondre à cette question mais continuer à s’interroger sur les usages socio-politiques dont l’intégration européenne fait l’objet, comme invite à le faire le livre, est une voie qui nous paraît à privilégier pour celles et ceux qui entendent mieux comprendre un processus politique parfois nébuleux. Et il y a urgence.
À quelques mois des élections européennes qui auront lieu le 9 juin 2024 en France, nous formulons le souhait que la sortie de cet ouvrage puisse participer à faire parler d’Europe, à l’analyser, à la comprendre, à l’expliquer, au-delà des idées reçues et des usages partisans, à l’appui des sciences sociales du politique.
Lola Avril, Samuel B.H. Faure et Vincent Lebrou, le 5 mars 2024
Mots-clés
« mondialisation heureuse et froide »crise
économie et histoire
géoéconomie
géopolitique
gouvernance
Industrie
mondialisation
puissance
souveraineté
Relations internationales
régionalisation
Allemagne
Europe
France
Union européenne
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