LES ÉTATS-UNIS ET LE PROTECTIONNISME. UNE CONSTANCE ET DES VARIANTES
PROCHE-ORIENT. 7 OCTOBRE : UN AN APRÈS… Ph. Mocellin et Ph. Mottet
POUR L’INDE, LA RUSSIE EST UN INVESTISSEMENT A LONG TERME. Olivier DA LAGE
LA CHINE ET L’ARCTIQUE. Thierry GARCIN
L’ESPACE, OUTIL GÉOPOLITIQUE JURIDIQUEMENT CONTESTÉ. Quentin GUEHO
TRIBUNE - FACE À UNE CHINE BÉLLIQUEUSE, LE JAPON JOUE LA CARTE DU RÉARMEMENT. Pierre-Antoine DONNET
DU DROIT DE LA GUERRE DANS LE CONFLIT ARMÉ RUSSO-UKRAINIEN. David CUMIN
ENTRETIEN EXCLUSIF AVEC EMMANUEL LINCOT sur la Chine et l’Asie centrale. « LE TRÈS GRAND JEU »
ENTRETIEN AVEC HAMIT BOZARSLAN. DE L’ANTI-DÉMOCRATIE À LA GUERRE EN UKRAINE
ENTRETIEN EXCLUSIF - LE MULTILATERALISME AU PRISME DE NATIONS DESUNIES. Julian FERNANDEZ
L’AFRIQUE ET LA CHINE : UNE ASYMÉTRIE SINO-CENTRÉE ? Thierry PAIRAULT
L’INDO-PACIFIQUE : UN CONCEPT FORT DISCUTABLE ! Thierry GARCIN
L’ALLIANCE CHIP4 EST-ELLE NÉE OBSOLÈTE ? Yohan BRIANT
BRETTON WOODS ET LE SOMMET DU MONDE. Jean-Marc Siroën
LES ENJEUX DE SÉCURITE DE L’INDE EN ASIE DU SUD. Olivier DA LAGE
LA CULTURE COMME ENJEU SÉCURITAIRE. Barthélémy COURMONT
L’ARCTIQUE ET LA GUERRE D’UKRAINE. Par Thierry GARCIN
LA REVANCHE DE LA (GEO)POLITIQUE SUR L’ECONOMIQUE
UKRAINE. CRISE, RETOUR HISTORIQUE ET SOLUTION ACTUELLE : « LA NEUTRALISATION ». Par David CUMIN
VLADIMIR POUTINE : LA FIN D’UN RÈGNE ? Par Galia ACKERMAN
« LA RUSE ET LA FORCE AU CŒUR DES RELATIONS INTERNATIONALES CONTEMPORAINES »
L’INTER-SOCIALITE AU COEUR DES DYNAMIQUES ACTUELLES DES RELATIONS INTERNATIONALES
LES MIRAGES SÉCURITAIRES. Par Bertrand BADIE
LE TERRITOIRE EN MAJESTÉ. Par Thierry GARCIN
UNION EUROPÉENNE : UNE SOLIDARITÉ TOURNÉE VERS UN PROJET DE PUISSANCE ? Par Joséphine STARON
LES TALIBANS DANS LA STRATÉGIE DIPLOMATIQUE DE LA CHINE. Par Yohan BRIANT
🔎 CHINE/ETATS-UNIS/TAÏWAN : LE TRIANGLE INFERNAL. Par P.A. Donnet
LA RIVALITÉ CHINE/ÉTATS-UNIS SE JOUE ÉGALEMENT DANS LE SECTEUR DE LA HIGH TECH. Par Estelle PRIN
🔎 LES « MÉTAUX RARES » N’EXISTENT PAS... Par Didier JULIENNE
🔎 L’ARCTIQUE DANS LE SYSTÈME INTERNATIONAL. Par Thierry GARCIN
LES PARAMÈTRES DE LA STRATÉGIE DE DÉFENSE DE L’IRAN. Par Tewfik HAMEL
🔎 LES NOUVELLES GUERRES SYSTEMIQUES NON MILITAIRES. Par Raphaël CHAUVANCY
L’INTERNATIONALISME MÉDICAL CUBAIN AU-DELÀ DE L’ACTION HUMANITAIRE. Par G. B. KAMGUEM
UNE EUROPE TRIPLEMENT ORPHELINE
LA DETTE CHINOISE DE DJIBOUTI. Par THIERRY PAIRAULT
CONSEIL DE SECURITE - L’AFRIQUE EST-ELLE PRÊTE POUR PLUS DE RESPONSABILITÉ ?
COMMENT LA CHINE SE PREPARE POUR FAIRE FACE AU DEUXIEME CHOC ECONOMIQUE POST-COVID. Par J.F. DUFOUR
GUERRE ECONOMIQUE. ELEMENTS DE PRISE DE CONSCIENCE D’UNE PENSEE AUTONOME. Par Christian HARBULOT
(1) GEOPOLITIQUE D’INTERNET et du WEB. GUERRE et PAIX dans le VILLAGE PLANETAIRE. Par Laurent GAYARD
La GEOPOLITIQUE DES POSSIBLES. Le probable sera-t-il l’après 2008 ?
« Une QUADRATURE STRATEGIQUE » au secours des souverainetés nationales
L’Europe commence à réagir à l’EXTRATERRITORIALITE du droit américain. Enfin ! Par Stephane LAUER
LA DEFENSE FRANCAISE, HERITAGE ET PERPECTIVE EUROPEENNE. Intervention du Général J. PELLISTRANDI
L’EUROPE FACE AUX DEFIS DE LA MONDIALISATION (Conférence B. Badie)
De la COMPETITION ECONOMIQUE à la GUERRE FROIDE TECHNOLOGIQUE
ACTUALITES SUR L’OR NOIR. Par Francis PERRIN
TRUMP REINVENTE LA SOUVERAINETE LIMITEE. Par Pascal Boniface
Une mondialisation d’Etats-Nations en tension
LES THEORIES DES RELATIONS INTERNATIONALES AUJOURD’HUI. Par D. Battistella
MONDIALISATION HEUREUSE, FROIDE et JEU DE MASQUES...
RESISTANCE DES ETATS, TRANSLATION DE LA PUISSANCE
Ami - Ennemi : Une dialectique franco-allemande ?
DE LA DIT A LA DIPP : LA FRAGMENTATION DE LA...
Conférence de Pierre-Emmanuel Thomann : La rivalité géopolitique franco-allemande (24 janvier 2017)
Conférence d’Henrik Uterwedde : Une monnaie, deux visions (20 janvier 2016)
Conférence de Bertrand Badie : Les fractures moyen-orientales (10 mars 2016)
LA CRISE DU COVID-19, UN REVELATEUR DE LA NATURE PROFONDE DE L’UNION EUROPEENNE. Par Michel FAUQUIER
mercredi 8 avril 2020 Michel FAUQUIER
Michel Fauquier (1) vous propose dans cet article un travail d’orfèvre, avec des références historiques récentes, qui mettent bien en perspective l’inaction des autorités de l’U.E dans ce moment particulièrement difficile face à la crise du Covid-19. Tout au plus sont envisagées quelques mesures économiques (long désaccord !). Finalement, le 9 avril, un plan de soutien économique de 540 milliards d’euros est décidé (2),(3).
Ce constat désolant traduit la nature profonde de l’Union européenne. Cette dernière non seulement tarde dans ses réactions (n’est pas proactive, comme disent les spécialistes...) mais n’est plus aujourd’hui capable de dresser les bonnes priorités, si ce n’est économiques (et encore). Comment s’étonner ensuite du « désamour » des populations, du « retour des Etats », voire des nationalismes, sans compter les dérives illibérales ?
La construction européenne d’après guerre s’était concentrée sur le « plus jamais ça » (éviter la guerre et la violence) mais aussi sur des objectifs de prospérité et de bien être. Le premier objectif était externe (on connaît aujourd’hui les incertitudes sur l’avenir et l’absence d’une défense européenne), les deux autres étaient d’abord internes au profit des populations. Non seulement l’U.E a changé de projet mais a perdu son âme, et même tout projet !
Nul doute que la crise actuelle devra fournir l’objet d’une refondation recentrée sur le bien être (la sécurité sanitaire bien sûr, mais aussi militaire, projet de transition énergétique...). On expliquait autrefois que l’intégration européenne connaissait au cours de son histoire des phases (voire des cycles) d’optimisme et de pessimisme. Un discours rassurant en somme, mais pas une assurance de survie pour l’intégration européenne !
M. Fauquier vous propose une lecture sans complaisance des enchaînements récents qui mettent en péril la pérennité de l’U.E. GeopoWeb le remercie vivement de faire profiter nos lecteurs de son expertise. P.L
(1) Historien, Professeur de chaire supérieure, spécialiste des civilisations européennes à l’Institut Albert-le-Grand, Directeur de recherche (Institut de Lettres et Sc Po), chercheur associé à l’Université de Poitiers, membre du Conseil scientifique de la revue Conflits. Parmi ses multiples publications : « Une histoire de l’Europe. Aux sources de notre monde ». Editions du Rocher, 26/09/2018
(2)https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/04/10/coronavirus-les-europeens-s-entendent-sur-un-plan-de-soutien-a-plus-de-500-milliards-d-euros_6036171_3234.html
(3)https://www.lefigaro.fr/flash-eco/coronavirus-l-eurogroupe-parvient-a-un-accord-sur-un-vaste-plan-de-soutien-20200409
UNE ATTITUDE STRUCTURELLE
Après avoir prononcé une conférence au siège bruxellois du Parlement européen en septembre 2018, j’ai été frappé, en ressortant, par un spectacle auquel je ne m’attendais pas. C’était alors le lancement de la campagne pour les « élections européennes » de 2019 ― formule déjà approximative en soi, il faudrait plutôt dire « élections de l’Union européenne » : celle-ci faisait sa promotion sous la forme de douze grandes affiches doubles montées sur une rotonde métallique tournée vers le Parlement européen, comme s’il s’agissait de convaincre les membres du Parlement de l’utilité de leur action, et non d’informer le public. Chaque doublon d’affiche était composé de la même façon : d’abord un slogan, puis une photographie illustrant ce slogan pour montrer les défis que l’Union européenne prétend vouloir relever. La première de ces affiches doubles, à côté de la photographie d’une vedette que l’on peut penser être l’une de celles qu’utilise Frontex [1] , ajoutait le commentaire suivant : « Because we need to work together to secure our borders [2] ».
Ce texte appelle d’abord trois remarques : l’unique langue utilisée, l’anglais, qui sonne comme une tentative de conjuration, alors que l’on était deux ans après le référendum britannique ayant voté en faveur du Brexit ; la formulation, qui constitue un aveu d’impuissance en n’exprimant qu’un besoin ; le curieux pluriel collectif utilisé à propos des frontières, alors que Frontex est censée veiller sur la frontière commune de l’espace Schengen et non sur les frontières nationales, de toute façon réduites à des chimères, jusqu’au moment où l’épidémie de Covid-19 a contraint les États, et non l’Union Européenne, à leur redonner une existence.
Mais surtout, l’historien de l’Europe que je suis, ne saurait trop insister sur l’importance de la contextualisation de cette image : nous étions en effet en pleine crise migratoire, et même au lendemain de son pic, crise face à laquelle l’Union Européenne, en la personne du président de sa Commission, Jean-Claude Juncker, n’a proposé qu’un plan de répartition de ceux qu’il était désormais convenu d’appeler les « migrants [3] », ce qui amena le groupe de Visegrád [4] à leur fermer ses frontières.
Ajoutons que ledit bâtiment bruxellois ― à la sortie duquel se trouvaient les douze messages de propagande électorale [5] ―, et qui ne date pourtant que de 1993, menace pour partie de s’effondrer ― sans parler de nombreux autres erreurs de conception : or, la seule réponse envisagée à ce jour est de le reconstruire à l’identique (devis prévisionnel d’un demi-milliard d’euros [6]), ce qui en dit long sur le sens du réalisme de ce que, faute de mieux, nous appellerons les « instances de l’Union Européenne ».
Faut-il alors s’étonner, devant ce mélange structurel d’inaction, de déni et d’aveuglement, que l’Union Européenne ait dû être sévèrement rappelée à l’ordre par les opinions nationales pour se saisir enfin de la crise du Covid-19 ? et qu’en est-il de cette saisie ?
UN TITANIC PANDEMIQUE
Commençons par rappeler quelques repères chronologiques essentiels : dans l’état actuel de notre information, ce qui devait être appelé Covid-19 le 11 février 2020, s’est déclaré dans la ville chinoise de Wuhan le 17 novembre 2019, avant de migrer hors de Chine le 13 janvier 2020, d’être identifié comme transmissible d’homme à homme le 20 janvier, de donner lieu à une première mesure de confinement massif le 22 janvier (villes de la province de Hubei), d’être déclaré d’ « urgence de santé publique de portée internationale » le 30 janvier par l’OMS [7], d’atteindre l’Europe en janvier 2020 ― où la première mesure de contrôle aux frontières a été adoptée par la Pologne le 9 mars, et la première mesure de confinement généralisée par l’Italie le 10 mars ―, et avant que l’épidémie ne soit déclarée « pandémie » le 11 mars.
Pendant ce temps qu’a fait l’Union Européenne :
– semaine du 17 novembre 2019 : auditions de commissaires et séances plénières consacrées à des questions diverses, dont un « séminaire de presse sur les priorités du PE [8] » ;
– semaine du 13 janvier 2020 : session plénière dédiée à des questions diverses, dont une consacrée à l’ « avenir de l’Europe avec une approche ascendante (sic) sans précédent [afin que] les citoyens soient au cœur de la réforme de l’UE [9] » ;
– semaine des 20 et 22 janvier : réunions de commissions parlementaires sur des questions diverses [10] ;
– semaine du 30 janvier : session plénière et réunions de commissions consacrées à des questions diverses ;
– semaine des 9, 10 et 11 mars : débat en séance plénière à propos du Covid-19, qui aboutit le 10 mars à la décision que « le Parlement évaluera les efforts européens et nationaux visant à contenir la propagation du COVID-19 et le rôle de la nouvelle équipe européenne de réaction face au coronavirus, qui coordonne avec les États membres le partage d’informations, l’évaluation des besoins et garantit une réponse cohérente à l’échelle de l’UE [11] », mais sans préciser de date et sans prise de décision.
Avant le simple débat du mardi 10 mars 2020 (on aura relevé l’usage du futur dans le texte), on ne trouve aucune trace dans l’agenda européen d’une préoccupation à propos du Covid-19, agenda qui nourrirait en revanche un interminable inventaire à la Prévert dont l’urgence du contenu ne saute pas toujours spontanément aux yeux, pour dire les choses avec le plus d’élégance possible.
Qu’en est-il après ce 10 mars 2020 ? Le bilan n’est pas brillant : la première mesure effective prise au niveau de l’Union Européenne, en l’occurrence par la Conférence des présidents, lors de la troisième semaine du mois de mars, a été… de protéger le Parlement européen [12] ! Le 26 mars, une session plénière exceptionnelle à distance a été consacrée à « l’initiative d’investissement pour la réponse au coronavirus, la législation étendant le champ d’application du Fonds de solidarité de l’UE pour couvrir les urgences de santé publique et une nouvelle loi mettant fin aux vols « fantômes » causés par l’épidémie de COVID-19 [13] ». En clair des mesures essentiellement financières.
Il faut en fait attendre la première semaine d’avril, pour trouver la mention d’une « réponse de l’UE à la pandémie de COVID-19 [14] », mais elle n’a consisté qu’à réunir les… « députés de la commission du marché intérieur […] avec le commissaire au marché intérieur [15] », comme si le Covid-19 étant avant tout un problème économique [16] , ce que confirme la seconde mesure adoptée à ce jour, et qui concerne le « soutien au secteur européen de la pêche [17] ». Personne ne niera qu’il fallait le faire, mais, à s’en tenir aux réactions du Parlement européen, il faudrait croire que le Covid-19 n’est qu’une crise économique et financière… sauf pour les personnels et élus du Parlement européen qui, eux, doivent être protégés.
LA COMMUNICATION POUR REPONSE
D’où la très grande surprise que provoque la page d’accueil dudit Parlement européen qui se dépense désormais sans compter pour faire oublier qu’il n’a longtemps rien fait dans le seul domaine où tous les habitants de l’Union étaient en droit de l’attendre. En effet, cette page d’accueil présente les « priorités [18] » que l’Union Européenne a fini par mettre en tête de ses préoccupations, à savoir la « réponse de l’UE face au Coronavirus » et la « politique de santé union européenne » (sic)… que l’on trouve à côté de la… « circulaire déchets » portant sur les plastiques !
Lorsque l’on va regarder de près le contenu de ces priorités, on apprend d’abord que « le Parlement européen est prêt à jouer son rôle pour atténuer l’impact du COVID-19 [19] » : prêt ? bon, mais à quoi ? eh bien, à des mesures financières, encore une fois ! On se rassure en se disant que la page « Coronavirus : 10 mesures de l’Union européenne pour lutter contre la pandémie » va enfin répondre aux attentes, et là, les bras en tombent : sur dix mesures, six sont de nouveau économiques et financières, dont une seule concerne directement le soutien à la lutte contre la pandémie (création d’un fonds de solidarité… de 800 millions d’euros [20] ) ; une autre concerne… l’Internet ; et au bout du compte, seulement trois concernent la lutte directe contre le Covid-19, dont les deux premières surprennent beaucoup. La première affirme en effet qu’ « afin de limiter la propagation du
virus en Europe et dans d’autres parties du monde, l’Union européenne a fermé ses frontières extérieures aux voyages non essentiels [21] », en l’occurrence le 17 mars, mesure qui avait en fait été prise par les États avant l’Union Européenne [22] et qui avait alors déclenché la réprobation de la Commission européenne, qui y voyait des « entorses au fonctionnement de l’espace Schengen [23] ». Quant à la seconde de ces mesures, elle annonce, le 23 mars, la création d’une « réserve d’urgence « rescueEU » » et précise que, grâce à elle, « l’UE achètera des équipements médicaux destinés aux hôpitaux pour un total de 50 millions d’euros » ― montant qui tient de la plaisanterie et que je laisse le soin d’apprécier aux personnels de santé ― avant d’ajouter, toujours au futur, que « les tests, masques et respirateurs seront achetés conjointement [24] ».
Quant au lien « Politique de l’UE en matière de santé [25] », le coronavirus n’arrive qu’en seconde position, et la page qui lui est dédiée commence par un « hommage aux professionnels de santé qui luttent contre le coronavirus [26] » ― ce qui leur sera certainement d’une grande aide mais que l’on peut difficilement appeler une politique ―, avant de recommander, à la façon de vœux pieux, que « les kits de test, les masques et les appareils respiratoires doivent être produits dans l’UE et disponibles à l’achat pour tous les États membres » et de rappeler la nécessité d’ « allouer davantage de fonds à la recherche commune pour lutter contre le coronavirus [27] ».
EPILOGUE
À sa façon, l’Union Européenne, que l’on voudra bien ne pas confondre avec l’Europe, illustre ce qu’il advient aux constructions qui subordonnent le politique à l’économique : tout n’y est plus qu’affaire d’argent. Si l’on excepte un furtif « hommage aux professionnels de santé » en guise de politique, aucune réponse à la souffrance des peuples, au désarroi des familles et des soignants, qui devront se contenter de verbes au futur et d’impératifs creux, en lieu et place de masques de protection, de blouse, charlottes et gants, de tests de dépistages et de respirateurs. Les messages du Parlement européen en vue des élections de 2019 avaient déjà brossé le tableau : on est ici sur une tendance lourde qui privilégie la communication au détriment de l’action.
Mais il y a autre chose : incapable d’agir quand et où les Européens attendent d’elle un secours, l’Union Européenne en est réduite à se parer des dépouilles d’autres organismes. Ainsi, comme pour les projets Airbus et Ariane, l’essai clinique lancé le 22 mars 2020 par sept pays européens afin de tester des traitements potentiels contre le Covid-19 (programme Discovery) n’est pas une réalisation de l’Union Européenne, ce que suffit à montrer la présence du Royaume-Uni au sein des pays impliqués [28] et le fait que cet essai clinique est piloté par l’INSERM [29] , lequel est à l’origine du programme européen REACTing [30].
Incapable d’agir autrement que financièrement et selon une hiérarchie bien particulière [31], l’Union Européenne est condamnée, si elle ne se réforme pas du sol au plafond ― mais est-ce encore une réforme ? ― à s’effondrer un jour sous son propre poids : son histoire devrait en effet la prévenir contre l’idée que cela ne relève pas de la pure spéculation. Dans ces conditions, faut-il croire que nous en soyons réduits à imaginer ce qui emportera l’Union Européenne : cette épidémie, une autre, ou une crise d’un autre genre ?
Michel FAUQUIER [32] , le 8 avril 2020
Mots-clés
économie et histoiregéopolitique
Relations internationales
régionalisation
gouvernance
crise
Europe
Notes
[1] « Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes », dont le nom était précédemment « Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures » (2004 à 2016), ce qui était un premier aveu d’inaction dans les termes.
[2] « Parce que nous avons besoin de travailler ensemble à la sécurisation de nos frontières. » C’est l’affiche qui souligne le mot.
[3] JEAN-CLAUDE JUNKER, Discours sur l’état de l’Union, 9 septembre 2015. Dans son texte, il utilise néanmoins encore principalement le terme de « réfugiés ».
[4] Composé de la Hongrie, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie, fondé le 15 février 1991, sous la forme d’un « Triangle de Visegrád », devenu carré du fait de la partition de la Tchécoslovaquie le 31 décembre 1992. Conçu à l’origine comme un moyen d’accélérer l’intégration de ses membres à l’Union Européenne, il a changé radicalement d’orientation du fait de la crise migratoire des années 2010.
[5] Tous étaient de la même veine, dont un qui aurait pu toucher plus particulièrement les Français, le onzième, qui déclarait : « Because we need to work together to protect our way of life », texte illustré par la photographie d’une fromagerie, alors que la France avait dû batailler contre l’Union Européenne qui envisageait de stériliser sa production, au propre comme au figuré (directive 2019/28/TF du Parlement européen et Conseil du 29 mars 2019).
[6] Source : https://www.lefigaro.fr/international/2017/06/13/01003-20170613ARTFIG00375-le-batiment-du-parlement-europeen-a-bruxelles-menace-de-destruction.php. Chacun sait ce qu’il en est des budgets prévisionnels dans le cadre des grands travaux, mais on pourra déjà le mettre en relation avec le budget du Parlement européen en 2018, qui était de presque deux milliards d’euros (https://www.europarl.europa.eu/news/fr/faq/26/quel-est-le-budget-du-parlement) : à ce niveau, le projet de reconstruction, s’il n’est pas dépassé, mangerait le quart de ce budget, mais on peut craindre le pire, car le budget prévisionnel de la construction, qui était d’un milliard d’euros, a finalement généré une facture d’un milliard huit cent mille euros.
[7] Organisation Mondiale de la Santé.
[8] Parlement Européen. Parmi ces priorités, rien sur le Covid-19 (https://www.europarl.europa.eu/pdfs/news/expert/agenda_week_by_day/46-2019/46-2019_fr.pdfhttps://www.europarl.europa.eu/pdfs/news/expert/agenda_week_by_day/46-2019/46-2019_fr.pdf).
[10] Un des sujets abordés porte sur l’ « accord de libre-échange UE-Vietnam », mais ce pays ne sera touché que le 23 janvier, et un autre sujet sur le « commerce illégal d’animaux de compagnie […] afin de protéger le bien-être des animaux », mais l’origine animale de la pandémie n’a été soupçonnée qu’à partir du 21 janvier (https://www.europarl.europa.eu/pdfs/news/expert/agenda_week_by_day/04-2020/04-2020_fr.pdf).
[11] Le débat s’est tenu le mardi 10 mars 2020 (https://www.europarl.europa.eu/pdfs/news/expert/agenda_week_by_day/11-2020/11-2020_fr.pdf).
[15] Id.
[16] On se permettra de rappeler qu’il existe pourtant un « commissaire européen à la santé et à la sécurité alimentaire », Mme Stélla Kyriakídou, Chypriote, dont, sans faire offense à son pays martyr, on imagine l’influence dans le débat européen.
[17] https://www.europarl.europa.eu/pdfs/news/expert/agenda_week_by_day/15-2020/15-2020_fr.pdf https://www.europarl.europa.eu/pdfs/news/expert/agenda_week_by_day/15-2020/15-2020_fr.pdf
[19] https://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/priorities/reponse-de-l-ue-face-au-coronavirus.
[20] Pour mémoire, dans son allocution du 16 mars 2020, le président de la République française annonçait la création d’un fonds de garantie de 300 milliards (http://www.lavie.fr/actualite/documents/nous-sommes-en-guerre-le-texte-de-l-allocution-d-emmanuel-macron-sur-le-coronavirus-17-03-2020-104699_496.php) et, le 19 mars, le déblocage de 5 milliards sur 10 ans pour la recherche (https://www.lefigaro.fr/flash-eco/coronavirus-macron-annonce-5-milliards-d-euros-en-plus-sur-10-ans-pour-la-recherche-20200319).
[21] https://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/priorities/reponse-de-l-ue-face-au-coronavirus/20200327STO76004/coronavirus-10-mesures-de-l-union-europeenne-pour-lutter-contre-la-pandemie.
[22] Le 9 mars par la Pologne, la république tchèque, la Slovaquie et l’Allemagne le 12…
[23] Source : www.liberation.fr, 14 mars 2020
[24] id.
[25] https://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/priorities/politique-sante-union-europeenne/20190705STO56307/amelioration-de-la-sante-publique-les-mesures-prises-par-l-ue
[26] id
[27] id
[28] France, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg, Royaume-Uni, Allemagne et Espagne.
[29] Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale, basé à Paris, le projet étant piloté depuis l’hôpital de la Croix-Rousse à Lyon.
[30] REsearch and ACTion TargetING emerging infectious diseases (recherche et action ciblant les maladies infectieuses émergentes).
[31] On comparera les sommes effectivement débloquées lors de la crise financière de 2007-2008 pour sauver le système bancaire, ou les crédits alloués à la construction du bâtiment du Parlement européen, aux sommes que ledit Parlement promet pour lutter contre le Coronavirus
[32] Auteur de Une histoire de l’Europe : Aux sources de notre monde, Le Rocher, Monaco, 2018, 749 pages.
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