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AVIC et L’AERONAUTIQUE CHINOISE

jeudi 18 mai 2017 Etudiants Prépa HEC1

LA SOCIETE CHINOISE AVIC : UN SYMBOLE DU CAPITALISME D’ETAT CHINOIS

Dans une approche rapide, l’idée d’un capitalisme d’État renvoie à un système économique dans lequel l’Etat contrôle une part importante, voire la totalité du capital du secteur industriel et de fait des entreprises. Dans ce cadre, AVIC est un champion national.

1. PRESENTATION

La société China Aviation Industry Corporation (AVIC) est une holding publique chinoise spécialisée dans la construction aéronautique. Elle fut fondée le 6 novembre 2008 à la suite de la restructuration et de la consolidation de AVIC I et AVIC II. Elle construit des avions militaires, des avions de ligne mais également des turboréacteurs, des hélicoptères. Cette entreprise propose aussi à ses clients certains services : recherche, mise en place d’opération, fabrication ou encore financement. Quelques chiffres : 27 entreprises, 100 filiales, 450 000 salariés, 143ème au classement Fortune TOP 500 des nouvelles entreprises.
Quels sont ses domaines d’activité ?
AVIC se divise en 12 pôles : défense, avions de transports, motorisation d’avions, hélicoptères, avionique, appareils d’aviation générale, R§D aéronautique, tests en vol, marché et logistique, management, étude de projet sur plans et maquettes, automobiles. Le développement du Comac C919 a pour but de concurrencer les deux géants occidentaux (Airbus et Boeing). C’est effectivement un équivalent de l’Airbus A-320 et au Boeing B737.

2. LES PRODUITS PHARES (ou “d’attaque” de l’Occident)

On peut citer la sortie du premier grand hélicoptère civil chinois en mars 2010 (l’AC313) ou le C 919 (futur concurrent de l’Airbus A320 et du Boeing 737). Les ambitions d’AVIC (l’EADS chinois) se portent sur le marché des moteurs d’avion, la maquette du premier projet de jet d’affaires haut de gamme, l’annonce d’une première implantation chinoise sur le marché américain de l’aviation générale et les premiers pas sur le marché de la formation des pilotes.
Côté défense, on peut évoquer la première démonstration en vol du nouvel hélicoptère de combat en 2012, une nouvelle maquette d’avion furtif (copie conforme du F-35 américain) et toute une panoplie de drones. La Chine a testé une nouvelle version de son avion de combat furtif le FC-31 Gyrfalcon (en décembre 2016). Cet appareil est destiné à équiper l’armée nationale mais il ambitionne également de conquérir les marchés étrangers. L’avion est doté d’instruments dernier cri, en particulier des systèmes de visée électro-optiques et des systèmes de visualisation incorporés au casque. Il est aussi deux fois moins cher que le F-35 Lightning II de l’américain Lockheed Martin (selon Fu Qianshao). Le conglomérat public supervise notamment Chengdu Aircraft Industry, le producteur d’avions de chasse, installé dans la capitale du Sichuan. De ses usines sort le J-10, l’avion de combat standard chinois. Ses ingénieurs testent le J-20, un chasseur furtif dont la Chine estime qu’il placerait le pays au niveau technologique des Etats-Unis et de la Russie.

3. RETOUR SUR LE CAPITALISME D’ETAT*
Malgré certaines évolutions au cours des dernières décennies, le gouvernement chinois conserve un rôle majeur dans le capital des entreprises nationales. Il défend leurs intérêts et intervient en dernier recours (aide financière par exemple). A titre d’exemples d’interventions de l’Etat chinois, on peut citer : la protection face à la concurrence, l’obligation de transferts technologiques (Alstom a refusé ces transferts technologiques pour la construction du TGV et a du laisser le marché à l’allemand Siemens). Boeing transfère également sa stratégie à AVIC. L’Etat chinois favorise les entreprises locales au détriment des entreprises étrangères. Il a la capacité d’imposer ses règles aux entreprises étrangères. De ce fait, les entreprises chinoises profitent de ces transferts technologiques et prennent de l’avance. Il s’agit d’une utilisation stratégique des technologies et des capitaux étrangers afin de développer une industrie de construction aéronautique moderne. Dans le domaine de l’aviation civile, l’Etat chinois est présent dans le capital de trois entreprises : Air China, China Eastern et China Southern.

4. LA STRATÉGIE DE L’ENTREPRISE

Au niveau global, l’Etat chinois a cherché à distinguer AVIC et COMAC. En effet le secteur de l’aviation civile dans le pays est en pleine expansion en raison d’une hausse du niveau de vie de la population. La fréquentation des aéroports est en forte progression (9,4 % en 2013, soit 350 millions de passagers). Or pour éviter toute prise du marché par les concurrents occidentaux, l’Etat a choisi de séparer l’aviation civile et militaire. AVIC est davantage centré sur le secteur militaire, tandis que COMAC (un des actionnaires majeurs reste AVIC), se concentre sur le civil. Ces deux entreprises restent donc très proches. Il n’est pas improbable qu’elles soient un jour regroupés sous un même nom. Afin de s’insérer sur le marché, Airbus et Boeing sont obligés de faire certaines concessions. Airbus a accepté une co-entreprise avec AVIC pour la chaîne d’assemblage, qui ne semble pas présenter un fort transfert technologique. General Electrics (G.E) a de son côté créé une joint-venture à 50-50 dans le domaine avionique afin de profiter du développement du C919.

Au niveau européen, « ce qui motive la démarche d’investissements chinois aujourd’hui, c’est l’acquisition de technologies et l’accès à un marché élargi – quand il existe », explique J. F. Dufour (cabinet DCA Chine-Analyse**).Toutefois dans certains domaines, l’Etat chinois préfère bénéficier du savoir-faire des entreprises occidentales sans effectuer de transferts technologiques. C’est par exemple le cas pour les moteurs d’avions construits par Safran. Le nouveau moteur Leap (successeur du CFM56) toujours développé par Snecma et G.E, équipera en effet le C919, futur avion chinois rival de l’Airbus A320 N. Mais le groupe aéronautique chinois AVIC a d’ores et déjà créé une filiale (baptisée CAE). Elle a réussi à séduire l’allemand MTU pour travailler, en co-entreprise, au développement d’un réacteur « alternatif » pour le C919.

5. DES RACHATS ET DES ALLIANCES STRATEGIQUES

Une des stratégies les plus remarquables du capitalisme étatique chinois est sans doute le rachat de plusieurs entreprises occidentales. Citons quelques unes des acquisitions. En mars 2011, AVIC achète l’américain Cirrus (spécialiste des petits avions d’affaires). AVIC fut très intéressé par le rachat de Latécoère, spécialiste des aérostructures, du câblage et de l’ingénierie aéronautique (643,6 millions d’euros de Chiffre d’affaires en 2012). Cette société travaille pour Airbus, Boeing, Bombardier, Embraer et Dassault. AVIC a finalement renoncé. L’entreprise américaine Cirrus Aircraft, (développe un système de parachute pour avion très efficace) a été racheté par le constructeur chinois en 2011. Elle connaissait des difficultés financières en raison d’une chute des demandes de l’aviation d’affaires depuis la crise de 2008. Par ce rachat, Cirrus Aircraft a accès au marché chinois en pleine expansion.
En raison de la crise pétrolière, la construction d’hélicoptères connaît une situation difficile (en effet ils permettent de relier les différentes plateformes). La demande en hélicoptères des USA a même été divisée par quatre depuis la chute des cours. A contrario, la Chine semble être un marché prometteur. Le 13eme plan quinquennal (2016-2020) annonce un développement de ce marché. Dans les vingt prochaines années, la Chine devrait acheter 5.000 hélicoptères civils. Aujourd’hui, l’essentiel de ces machines provient de l’Occident (en grande partie Airbus). Mais le chinois Avicopter sera à l’avenir un acteur sérieux. Airbus Helicopters (filiale d’Airbus Group) met en place des partenariats avec Avicopter (branche hélicoptère du chinois AVIC). Ils ont par exemple développé l’EC 175, équitablement produit en France et en Chine. Il s’agit d’une alliance stratégique, pas seulement industrielle.

6. DES LIMITES AUTOUR DE LA DÉPENDANCE TECHNOLOGIQUE ETRANGERE

La Chine possède encore quelques faiblesses dans le secteur de l’aéronautique en raison de sa dépendance envers des entreprises étrangères. Le C919 de COMAC est motorisé par Safran et G.E. Le nouveau fleuron de l’aéronautique civile chinoise (1er exemplaire sorti d’usine le 2 novembre 016) est doté de moteurs franco-américains Leap développés par CFM, la coentreprise de GE et Safran. Malgré ses progrès, l’aviation chinoise dépend toujours des technologies étrangères. Les appareils de l’armée de l’air volent encore en partie avec des moteurs russes, tandis que l’avionneur COMAC est fourni par CFM, la co-entreprise de Safran et GE, pour son futur moyen-courrier C919. C’est General Electric qui équipe son jet régional ARJ21. Il a fait ses débuts commerciaux en juin. L’ARJ-21 est doté de vieux réacteurs G.E
Premier avion de ligne de conception chinoise, il a servi de galop d’essai aux avionneurs chinois AVIC et COMAC au prix de plusieurs années de retard. C’est bien son seul mérite. L’ARJ-21 n’apporte en effet aucun progrès majeur. Sa motorisation se contente de réacteurs General Electric CF34 conçus dans les années 1970. Quant au J-31, il vole avec des moteurs russes. Le premier chasseur furtif de l’armée de l’air chinoise (1ere apparition publique en 2014) se veut le futur rival du F-35 américain et du Soukhoï 50 russe. Développé par Shenyang Corporation, il n’en reste pas moins dépendant de moteurs russes (Klimov RD-93), comme avant lui, tous les avions militaires chinois.

J. Coste, C. Grasset-Gothon, J. Valade, juin 2017

* Marie-Claire Bergère. Chine, le nouveau capitalisme d’Etat. Janvier 2013
** J.F. Dufour. Made by China. Les secrets d’une conquête industrielle. Janvier 2012

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