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RÉINDUSTRIALISATION ET DÉCARBONATION, QUID DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ET DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE ? Sophie BOUTILLIER

lundi 2 janvier 2023 Sophie BOUTILLIER, (Eve ROSS)

Sophie Boutillier (1) nous fournit un texte salutaire, au moment où les choses semblent « bouger » : taxe carbone européenne, dépenses allouées à l’environnement (France 2030) etc... L’auteure fait appel à l’histoire - pour tempérer un peu l’idée de rupture - régulièrement évoquée dans les textes sur la transition énergétique. Ce dernier terme a d’ailleurs lui même des origines incertaines que je vous laisse découvrir. On trouvera aussi dans cette belle analyse, une certaine analogie avec ce qu’il était hier convenu de qualifier de - processus de tertiarisation - une autre forme de linéarité (mais aussi une fausse lecture !), qui fut coûteuse en termes de souveraineté, d’emplois etc...... Le moment présent est peut-être (un début ?) de prise de conscience.
Si la décarbonation va dans le sens de l’histoire, l’obsession du PIB et une certaine banalisation du vocabulaire sur la transition énergétique ne doivent pas nous aveugler sur sa dynamique et ses enjeux nationaux !

(1) Professeure à l’Université du Littoral-Côte d’Opale. Réseau de recherche sur l’innovation

REINDUSTRIALISATION ET DECARBONATION, QUID DE LA TRANSITION ENERGETIQUE ET DU RECHAUFFEMENT CLIMATIQUE ?

Selon le Plan France 2030 récemment lancé par le gouvernement français, l’objectif est de consacrer à la fois 50% des dépenses du pays à la décarbonation de l’économie, sans dépenses défavorables à l’environnement, et 50% à des acteurs émergents porteurs d’innovation. Trois objectifs ont été ainsi fixés : mieux produire, mieux vivre et mieux comprendre notre monde [1]. Nous concentrerons notre propos sur le premier point, dont les objectifs sont : favoriser l’émergence d’une offre française de petits réacteurs nucléaires, en tant qu’innovation de rupture ; devenir le leader de l’hydrogène vert et des énergies renouvelables ; décarboner l’industrie pour respecter l’engagement français de faire baisser entre 2015 et 2030, 35% des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans l’industrie ; produire en France près de 2 millions de véhicules électriques et hybrides ainsi que le premier avion bas-carbone. Dans le même objectif, en décembre 2022, l’Union européenne a mis en place la première taxe carbone aux frontières du monde, pour taxer les émissions de CO2 liées aux importations d’acier, de ciment, d’engrais, d’aluminium et d’électricité (Les Echos, 13/12/2022). Ces mesures sont censées réduire la consommation des énergies fossiles (pétrole, gaz, et charbon) pour privilégier des énergies dites alternatives ou décarbonées, soit des énergies qui n’émettent pas de dioxyde de carbone (éolien, solaire, nucléaire) pour décarboner l’économie, en réduisant la production de gaz à effet de serre qui a un impact dévastateur sur le réchauffement climatique comme le montrent clairement les rapports successifs du GIEC [2] depuis la fin des années 1980.

Selon nombre de chercheurs, l’histoire industrielle et énergétique aurait suivi une évolution à la fois linéaire et en différentes phases. Depuis la première révolution industrielle, nous serions passés d’une énergie organique à une énergie fossile, le charbon remplaçant le bois, l’énergie humaine et animale, via à la toute-puissance de la machine à vapeur alimentée par du charbon. Des travaux récents d’historiens (Jarrige, Vrignon, 2020 dir ; Fressoz, 2021, 2022) remettent fondamentalement en cause cette idée d’un processus linéaire et de substitution d’une énergie par une autre, au profit d’un processus d’accumulation des énergies au cours du temps, montrant qu’à l’heure actuelle, l’énergie la plus consommée dans le monde reste de charbon. Dans ces conditions, la décarbonation de l’industrie devient plus complexe et incertaine, compte tenu de la part des matières d’origine fossile en tant que source d’énergie, mais également en tant qu’intrant dans un processus de production. Citons à titre d’exemple que le charbon est toujours à l’heure actuelle un intrant indispensable pour la production de l’acier, qui est lui-même un intrant pour quantités de produits manufacturés, dont les fameux véhicules électriques, qui sont pourtant présentés comme la solution d’avenir en matière de mobilité. Une relecture de l’histoire permet d’avoir un regard différent sur un avenir industriel qui se voudrait décarboné. Comment dans ces conditions, combiner réindustrialisation et décarbonation, alors que l’histoire de l’énergie montre clairement que les sources d’énergie se sont additionnées les unes aux autres et qu’il n’y a pas eu de processus de substitution d’une énergie par une autre. Comment en effet concevoir la mise en branle d’un processus de réindustrialisation en réduisant la consommation d’énergie fossile, alors que l’analyse historique, à partir de laquelle on construit des scenarii d’avenir, montre que la consommation d’énergie, de quelle nature que ce soit, a toujours augmenté, avec une forte accélération depuis la première révolution industrielle. Comme l’explique fort justement Fressoz (2021, p.11) : « Le problème de la ‘transition énergétique’ est qu’elle projette un passé qui n’existe pas sur un futur qui reste fantomatique ». Ce que nous proposons dans le cadre de cet article, ce ne sont pas des réponses que nous sommes dans l’incapacité de formuler, mais de mettre en évidence, ce que nous identifions comme des contradictions.

Source,https://vert.eco/articles/transition-energetique-lampleur-du-defi-resume-en-un-graphique

De la désindustrialisation à la réindustrialisation

Deux mots nouveaux ont été récemment introduits dans notre vocabulaire, celui de « réindustrialisation » et de « décarbonation ». Un retour sur l’histoire industrielle, économique et de l’énergie s’avère indispensable pour mieux comprendre les enjeux industriels et énergétiques actuels. De façon simpliste, la réindustrialisation désigne l’accroissement de la part de l’industrie dans le Produit Intérieur Brut (PIB), alors que depuis les années 1970-80, un processus de désindustrialisation avait en revanche touché les économies européennes, des Etats-Unis et du Japon, processus qui a permis en partie de délocaliser les industries les plus émettrices de CO2 (Parrique, 2022). Ce mouvement de délocalisation répondait aussi aux besoins des industriels en quête de main-d’œuvre meilleure marché et moins revendicative sur le plan social et salarial (Reich, 1997 ; Rivoli, 2007). Cette évolution sociale s’est aussi combinée avec une transformation technique de l’industrie qui a été marquée par un processus de tertiarisation [3], via le développement des technologies numériques, mais également et d’un ensemble d’activités de services à l’industrie, désormais comptabilisées comme tertiaires et non plus incluses comme industrielles. Ce processus de désindustrialisation a donc pris de multiples formes touchant à la fois à la technique (développement des technologies numériques), à l’entreprise (développement des relations de sous-traitance) et au contenu du travail (développement des tâches de surveillance par rapport aux tâches d’exécution). Par ailleurs, le développement des moyens de transport, notamment par voie maritime, via les porte-conteneurs, a également largement favorisé ce processus de désindustrialisation/délocalisation, formant des chaines de production au niveau mondial. Il s’inscrit également dans un autre processus, plus politique, celui de la libéralisation des marchés financiers et des matières premières amorcé dès la fin des années 1970 et de la privatisation des entreprises publiques (Albert, 2022). Pourtant, ce processus de désindustrialisation n’est pas un fait historique inédit. Il importe une fois encore de remettre en question l’idée d’une évolution linéaire de l’industrialisation. Des phases de désindustrialisation ont été identifiées dans le passé par les historiens. La désindustrialisation ne serait pas un phénomène complètement nouveau en Europe occidentale. Elle s’est produite avec des intensités variables lors de chaque changement de système technique, et par conséquent en fonction des sources d’énergie et de matières premières utilisées. Cela fut notamment le cas pendant les années 1870-1890 (Daumalin, Mioche, 2013). Des études historiques basées sur des territoires précis permettent de mettre en évidence de tels phénomènes au cours de l’histoire industrielle, autorisant Marty (2013) à parler de « désindustrialisation perpétuelle », mettant en évidence des processus complexes combinant évolution des techniques, rapport de concurrence à différents niveaux, local, national et international.

Le processus de désindustrialisation qui se manifeste depuis la fin des années 1970, n’a pas été perçu dans un premier temps, semble-t-il, de façon négative. Il apparaissait comme une évolution naturelle de l’économie dans la lignée de la théorie du déversement d’Alfred Sauvy (1980), selon laquelle la population active se déplaçait du secteur primaire, vers le secondaire puis le tertiaire, grâce à la génération de gains de productivité générés par l’augmentation des investissements en capital fixe. Par ailleurs, les emplois non qualifiés et bon marché étaient délocalisées, alors que les emplois qualifiés restaient dans les pays développés, qui conservaient le contrôle des activités de recherche & développement (RD). Mais, l’industrie ne se résume pas à un pourcentage du PIB, c’est aussi une question de souveraineté nationale, car l’industrie irrigue l’ensemble de l’économie, comme le montre le fameux modèle input-output de Leontieff (1941). L’industrie transforme les denrées agricoles qui sont à leur tour commercialisées, pour ne citer qu’un exemple basique.

Les économistes ne remontent jamais ou très rarement dans le passé, ils ont généralement comme point de repère la période de forte croissance économique de l’après-guerre (1945-1975) qui, à l’image de la première révolution industrielle, a profondément transformée l’économie des pays européens, des Etats-Unis et du Japon. En effet, au lendemain de la seconde guerre mondiale, la France, comme d’autres Etats européens, se lancent dans une dynamique de reconstruction qui donna lieu à ce que Fourastié (1979) nomma « les trente glorieuses » pour expliquer comment l’économie française s’était radicalement métamorphosée grâce notamment à d’importants gains de productivité, générés par des investissements en capital fixe. Mais, ce processus de réindustrialisation est principalement la conséquence des destructions gigantesques provoquées par la seconde guerre mondiale et surtout il eut pour conséquence une augmentation de la consommation des énergies fossiles (Pessis et al., 2013). L’Europe était totalement détruite que ce soit sur le plan physique que moral (Lowe, 2013). La guerre froide, via le plan Marshall en Europe de l’ouest (Berstein, Milza, 1999dir), alimenta un processus d’américanisation de l’économie et de la société européenne, qui accéda ainsi à la consommation de masse.

Source : Maddison A., l’économie mondiale, une perspective millénaire, OCDE,
https://fr.wikipedia.org/wiki/liste_historique_des_r%c3%a9gions_et_pays_par_pib

Ce processus de réindustrialisation de l’après-guerre fut alimenté par la consommation massive des énergies fossiles, du charbon, mais aussi du pétrole, qui était appréhendé comme la matière première incontournable tant que le plan énergétique qu’industriel. Les grandes compagnies pétrolières ne manquaient pas d’argument pour imposer cette nouvelle source d’énergie. Pourtant, dès les années 1970 [4], l’impact des gaz à effet de serre sur le réchauffement climatique était connu de ces dernières qui se sont bien gardées de diffuser l’information auprès du public [5], ou plutôt l’accent était mis sur le fait que l’on disposait d’une cinquantaine d’années pour y faire face, et que tout serait prêt à temps (Fressoz, 2022). Mais, la crise du pétrole de 1973 conduit à l’irruption de la crise énergétique en raison de l’augmentation importante du prix du pétrole par les pays de l’OPEP [6], aussi la question qui se posait avec beaucoup plus d’acuité était alors celle de la crise énergétique (en d’autres termes, l’augmentation du prix de l’énergie et la position des pays producteurs de pétrole), plutôt que celle du réchauffement climatique, qui répétons-le, apparaissait comme un danger à beaucoup plus longue échéance.

La période d’industrialisation ou de réindustrialisation, qui a suivi la fin de la seconde guerre mondiale, a été marquée par une forte croissance de la consommation des énergies fossiles en particulier le pétrole avec le développement de l’usage de l’automobile. Mais également par d’autres sources d’énergie, notamment le charbon. Pourtant, selon nombre d’historiens (Fressoz, 2021, 2022), cette période aurait été ainsi marquée par une transition du charbon vers le pétrole, à l’image de la première révolution industrielle qui aurait été marquée par une transition du bois, la force musculaire et l’hydraulique vers le charbon. Cette notion de transition énergétique, linéaire, ne correspond pas à la réalité, car les sources d’énergie sont complémentaires et non substituables. L’usage de certaines matières premières peut évoluer, par exemple les mines de charbon nécessitent de grandes quantités de bois pour construire des galeries, sans parler de la construction du chemin de fer qui absorbe également de très grandes quantités de bois. En 1913, la Grande-Bretagne utilisait beaucoup plus de bois pour extraire son charbon qu’elle n’en brulait au milieu du 18e siècle. L’industrialisation a alors été le résultat d’une symbiose entre trois sources d’énergie (le bois, le charbon et les matières organiques) et non exclusivement du charbon, comme on l’affirme généralement. Par la suite de pétrole « épaule le charbon » (Fressoz, 2021).

Le pétrole, dans ces conditions, s’ajoute au charbon (Fressoz, 2021). Entre 1900 et 2015, l’extraction mondiale des matières premières a été multipliée par 12 avec une accélération constante depuis le début du 21e siècle (Parrique, 2022). Il convient par conséquent de s’interroger sur l’origine de l’expression de transition énergétique et sur la façon dont elle s’est progressivement imposée parmi les scientifiques, les responsables politiques et les industriels. Est-elle d’origine scientifique ou vient-elle des industriels du pétrole, voire du nucléaire ?

La transition énergétique, une image tronquée de la réalité énergétique

La question de l’origine de l’expression « transition énergétique » n’est pas simple. Elle remontrait aux années 1960-1970, et pour être bien appréhendée, elle doit être combinée avec celles de la crise énergétique et du changement climatique. L’analyse historique ici aussi est indispensable. Elle est riche d’enseignements, comme nous avons déjà pu le montrer ci-dessus, elle permet de mettre en évidence des phases de continuité et de rupture, lesquelles ne sont jamais provoquées par un type de facteur (technique, économique, social, scientifique, culturel, etc.), mais par une combinaison subtile entre ces derniers. Selon Fressoz (2022), la réponse à la question sur l’origine de l’expression de la transition énergétique est à rechercher auprès des industriels du pétrole, bien que les historiens de l’industrialisation ont aussi très largement tendance à populariser ce mode d’explication. Son origine n’est cependant pas selon toute vraisemblance d’origine scientifique. Comme nous le verrons d’autres événements interviennent également. Il cite Edward David, président de la RD d’Exxon, qui en 1982, ne nie pas lors d’un discours la réalité du changement climatique à venir, mais il considère que la « transition énergétique » se produira avant la catastrophe climatique. Il s’appuie pour affirmer ses dires sur le fait que les Etats-Unis ont connu deux « transitions énergétiques », une du bois vers le charbon, et l’autre du charbon vers le pétrole. La suivante sera celle du pétrole vers les énergies renouvelables. Dans le même article, Fressoz fait aussi référence au rôle joué par les industriels du nucléaire, qui voient dans l’énergie nucléaire un moyen de faire face à la raréfaction des ressources pétrolières, tout en répondant à la demande croissante en énergie, tout en faisant face aux conséquences désastreuses du réchauffement climatique. Mais, l’expression de transition énergétique serait apparue un peu plus tôt, en 1967, sous la plume d’un chimiste américain, Harrison Brown : un néo-malthusien qui considérait que la raréfaction des ressources allait provoquer une troisième guerre mondiale, et qu’il fallait pour la contrer opérer une transition vers le nucléaire. Il aurait ainsi inventé l’expression de « transition énergétique » lors d’une conférence, au cours de laquelle il explique en substance que le nucléaire est une source d’énergie pratiquement éternelle et que l’Etat américain doit financer le programme nucléaire pour la transition se fasse progressivement. Cependant, à partir des années 1970 devient le mot d’ordre des défenseurs de la nature (comme l’ONG Les Amis de la terre) selon lesquels, les Etats-Unis peuvent faire face à la crise énergétique, sans recourir au nucléaire, mais en privilégiant l’énergie solaire, car dès la fin des années 1960, la question principale qui est posée est plutôt celle de la crise énergétique que celle du réchauffement climatique, comme nous l’avons déjà mentionné ci-dessus.

La question de la transition énergétique est donc liée à celles des crises énergétiques et du changement climatique. Soulignons d’abord qu’il est important de l’écrire au pluriel, car plusieurs crises énergétiques se sont produites au cours de l’histoire, par exemple l’intérêt pour le charbon réside dans l’épuisement des ressources forestières, mais aussi que le changement climatique n’est pas une question nouvelle. Elle a en effet été posée aux sociétés humaines à différentes phases de leur histoire. Non pas parce que ces sociétés s’interrogeaient sur l’évolution du CO2 dans l’atmosphère, mais parce que par exemple, elles s’interrogeaient sur les conséquences que pouvaient avoir la déforestation sur le cycle de l’eau. On ne peut donc parler d’une prise de conscience des sociétés humaines, en premier lieu de la société européenne, pour cette question, comme l’expliquent Fressoz et Locher (2020) : « ni découverte ni invention donc, mais un processus de politisation et de dramatisation dans un espace-temps précis : la France de 1789 et des décennies tourmentées du 19e siècle. Cette figure de l’effondrement climatique circulera ensuite à l’échelle mondiale ». La France aurait donc joué selon les deux historiens un rôle fondamental, dans le contexte particulier de la révolution et des troubles qui ont suivi. Cette question est portée à la fois par des scientifiques, des maires, des députés, des propriétaires, des ingénieurs, des pharmaciens, des médecins et des journalistes. Mais, phénomène contradictoire, à compter de la fin du 19e siècle, les sociétés européennes sont devenues moins sensibles à cette question, car elles deviennent plus résilientes face aux aléas climatiques, grâce à la globalisation des échanges, de plus la forêt perd de son intérêt dans les grands débats relatifs à la propriété. Pendant plusieurs décennies, il y aurait donc eu une période d’amnésie qui a été de courte durée face à l’emballement de l’activité économique dès les années 1945-1950, qui ont suivi la fin de la seconde guerre mondiale.

Les Etats-Unis (Fressoz, 2021) ont joué un rôle fondamental dans cette évolution, car dès la fin des années 1970, ils lancent un programme de transition énergétique (selon l’expression alors employée par les responsables politiques et les industriels) qui est moins motivé, répétons-le, par la question du changement climatique que par celle de la crise énergétique. Ces programmes sont avant tout motivés par la question de la souveraineté nationale face à l’augmentation du prix du pétrole. La première conférence mondiale sur le changement climatique a lieu en 1979 à Genève, alors que la première conférence des Nations Unies sur l’environnement a lieu un peu plus tôt, en 1972, à Stockholm, grâce à laquelle la préservation de l’environnement devient officiellement une préoccupation mondiale La première conférence sur le changement climatique est aussi organisée sous l’égide des Nations unies. Mais, les conséquences négatives du réchauffement climatique ne seront pas immédiates. Le monde dispose d’une cinquantaine d’années pour y faire face, ce qui justifie l’inertie. En 1992, lors du sommet de la terre à Rio, les pays participants s’étaient pourtant engagés à « préserver le système climatique pour les générations futures ». La dernière conférence des Nations Unies sur le changement climatique a eu lieu, récemment, en novembre 2022 à Charm El Cheikh, et ses conclusions ne sont guère positives.

Nombre d’entreprises fortement émettrices de CO2, comme l’industrie sidérurgique, ont pourtant développé depuis quelques années des stratégies de décarbonation, qui visent notamment à privilégier l’usage de l’hydrogène sur le charbon et le pétrole, ou encore la fabrication d’acier à partir du recyclage, largement soutenues par des financements publics (cf. Plan France 2030 mentionné ci-dessus). L’hydrogène apparait comme une source d’énergie prometteuse. Différentes techniques sont à l’heure actuelle disponibles pour produire de l’hydrogène, mais elles utilisent principalement du pétrole, du gaz et du charbon [7]. On parle certes de l’hydrogène propre ou de l’hydrogène vert, produit à partir de la biomasse, mais qui pour l’heure ne représente qu’une infime partie de l’hydrogène produit en France. L’autre solution proposée est celle du captage du CO2, suivie par sa séquestration ou de sa réutilisation, mais comment capter le CO2 ? Comment transporter le CO2 capté ? par pipeline ? par bateau ? Comment construire des pipelines ? Avec quelles sources d’énergie propulser les bateaux ? Une nouvelle source d’énergie, en l’occurrence l’hydrogène (quelle que soit sa couleur) s’ajoute et ne se substitue pas aux sources d’énergies existantes. La solution ne résiderait-elle pas dans une redéfinition de nos besoins (Parrique, 2022), car la nature se venge toujours des excès humains, écrivait en substance Engels (1883). Mais, c’est aussi une question de définition, puisque début 2022, la Commission européenne accordait un label vert au nucléaire et au gaz (Le Monde, 2/02/2022).

Sophie Boutillier, le 2 janvier 2023

Références

 Albert E., 2022, Les matières premières, « dernier bastion » du capitalisme sauvage, Le Monde, 2 avril.
 Berstein S., Miliza P., 1999dir, L’année 1947, Presses de Sciences Po.
 Daumalin X., Mioche P., 2013, La désindustrialisation au regard de l’histoire, Rives méditerranéennes, 46, p. 5-9.
 Engels F., 1883, La dialectique de la nature, https://www.google.com/search?client=firefox-b-d&q=egels+1883+%C3%A9conomie+de+la+nature
 Fourastié F., 1979, Les trente glorieuses, Fayard.
 Fressoz J.-B., Locher F., 2020, Les révoltes du ciel. Une histoire du changement climatique, Seuil.
 Fressoz J.-B., 2021, Pour une histoire des symbioses énergétiques et matérielles, Annales des Mines – Responsabilité et environnement, 101, p.7-11.
 Fressoz J.-B., 2022, La « transition énergétique », de l’utopie atomique au déni climatique : Etats-Unis, 1945-1980, Revue d’histoire moderne et contemporaine, 69-2, p. 114-146.
 Jarrige F., Vrignon A., 2020dir, Face à la puissance. Une histoire des énergies alternatives à l’âge industriel, La découverte.
 Leontieff W., 1941, The Structure of the American Economy, 1919-1929, Harvard University Press.
 Lowe K., 2013, L’Europe barbare 1945-1950, Perrin.
 Marty N., 2013, Une désindustrialisation perpétuelle ? Rives méditerranéennes, 46, p. 63-80.
 Parrique T., 2022, Ralentir ou périr. L’économie de la décroissance, Seuil.
 Pessis C., Topçu S., Bonneuil C., (2013), Une autre histoire des trente glorieuses, La découverte.
 Rivoli P., 2007, Les aventures d’un tee-shirt dans l’économie globalisée, Fayard.
 Reich R., 1997, L’économie mondialisée, Dunod.
 Sauvy A., 1980, La machine et le chômage, Dunod,

Notes

[5Voir à ce propos l’excellent documentaire diffusé sur Arte, « Le système Total, anatomie d’une multinationale de l’énergie ».

[6Organisation des Pays exportateurs de Pétrole, créée en 1960 par l’Iran, l’Irak, le Koweït, l’Arabie Saoudite et le Venezuela.

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LE GEOINT MARITIME, NOUVEL ENJEU DE CONNAISSANCE ET DE PUISSANCE. Philippe BOULANGER

INTERDÉPENDANCE ASYMÉTRIQUE ET GEOECONOMICS. Risque géopolitique et politique des sanctions

LA RÉSILIENCE : UN RÉCIT PROGRESSISTE DE SUBSTITUTION FACE AUX MULTIPLES CHOCS DE LA POSTMODERNITÉ. Baptiste RAPPIN

VERS DES ÉCHANGES D’ÉNERGIE « ENTRE AMIS » ? Anna CRETI et Patrice GEOFFRON

LA FIN DE LA SECONDE MONDIALISATION LIBÉRALE ? Michel FOUQUIN

DE LA FRAGMENTATION À L’INSTALLATION D’UN « DÉSORDRE » MONDIAL (I)

DE LA FRAGMENTATION À L’INSTALLATION D’UN « DÉSORDRE » MONDIAL (II)

DÉMOCRATIE et MONDE GLOBALISÉ. À propos de la « Grande Expérience » de Yascha Mounk

LE PACTE VERT, L’ AGRICULTURE ET L’ « EFFET BRUXELLES » A L’ÉPREUVE DU XXIÈME SIECLE. A. DI MAMBRO et M. RAFFRAY

ART ET DÉNONCIATION POLITIQUE : LE CAS DE LA RDA. Elisa GOUDIN-STEINMANN

ET SI LE RETOUR DE L’INFLATION ÉTAIT UN ÉVÈNEMENT GÉOPOLITIQUE ? Sylvie MATELLY

LES NEUTRES OPPORTUNISTES ONT EMERGÉ. Thomas Flichy de la Neuville

LE GROUPE DE BLOOMSBURY ET LA GUERRE. CONVICTIONS ET CONTRADICTIONS. Par Jean-Marc SIROËN

LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE, AVENIR DE L’INDUSTRIE ? Par Nadine LEVRATTO

« LA GUERRE DES PUISSANTS »

« ENTRE IGNORANCE ORGANISÉE ET RÉSILIENCE, LA GESTION DE LA CATASTROPHE NUCLÉAIRE DE FUKUSHIMA PAR LA RESPONSABILISATION DES VICTIMES ». Alexandre VAUVEL

UKRAINE. « IL FAUDRAIT PROCÉDER À UNE REFONTE DES TRAITÉS QUI RÉGULENT LA SÉCURITE EUROPÉENNE »

DE LA SOCIÉTÉ POST-INDUSTRIELLE À LA SOCIÉTÉ HYPER-INDUSTRIELLE. LA RÉHABILITATION DE LA SOUVERAINETÉ ÉCONOMIQUE. Par Arnaud PAUTET

NE PAS SE SOUMETTRE À L’HISTOIRE. IMPRESSIONS DE « DÉJA VU »

LA MONDIALISATION A ENGENDRÉ UNE CONFLICTUALITÉ PERMANENTE. Par Raphaël CHAUVANCY

ÉTHIQUE NUMERIQUE ET POSTMODERNITÉ. Par Michel MAFFESOLI

UNE MONDIALISATION À FRONT RENVERSÉ

LES DESSOUS GÉOPOLITIQUES DU MANAGEMENT. Par Baptiste RAPPIN

LE COVID-19 S’ENGAGE DANS LA GUERRE MONDIALE DES VALEURS. Par J.P. Betbeze

LE MULTILATERALISME EN QUESTION. Par Philippe MOCELLIN

« LE VRAI COUPABLE, C’EST NOUS » !

VIVE L’INCOMMUNICATION. Par Dominique WOLTON

LES SENTIERS DE LA GUERRE ECONOMIQUE. Par NICOLAS MOINET

LE RETOUR DES NATIONS... ET DE L’EUROPE ?

LES FUTURS POSSIBLES DE LA COOPERATION FRANCO-ALLEMANDE. Claire DEMESMAY

GEOPOLITIQUE DE LA PROTECTION SOCIALE. Julien DAMON

L’ACTUALITE DE KARL POLANYI. Par Nadjib ABDELKADER

« LE MONDE D’AUJOURD’HUI ET LE MONDE D’APRES ». Extraits de JEAN FOURASTIE

VERS UNE CONCEPTION RENOUVELÉE DU BIEN COMMUN. Par F. FLAHAULT

« POUR TIRER LES LEÇONS DE LA CRISE, IL NOUS FAUT PRODUIRE MOINS ET MIEUX ». Par Th. SCHAUDER

AVEUGLEMENTS STRATEGIQUES et RESILIENCE

Mondialisation, Etats, organisations, relations interpersonnelles : QUELS EXERCICES DISCURSIFS DU POUVOIR ? O. DUPONT

LE CAPITALISME et ses RYTHMES, QUATRE SIECLES EN PERSPECTIVE. Par Pierre Dockès

NATION et REPUBLIQUE, ALLERS-RETOURS. Par Gil DELANNOI

L’INDIVIDU MONDIALISE. Du local au global

LE DEFI DE L’INTELLIGENCE ECONOMIQUE par N. Moinet

De la MONDIALISATION « heureuse » à la MONDIALISATION « chute des masques »

MYTHE ET REALITE DE LA SOCIETE ENTREPRENEURIALE. L’entrepreneur, « l’homme à tout faire du capitalisme » ? Par Sophie Boutillier

Lectures GEOPOLITIQUES et GEOECONOMIQUES

DEUX THEORIES DU POPULISME

QUAND le SUD REINVENTE le MONDE. Par Bertrand BADIE

L’ETAT-NATION N’EST NI UN BIEN NI UN MAL EN SOI". Par Gil Delannoi

LA MONDIALISATION et LA SOUVERAINETE sont-elles CONTRADICTOIRES ?

SOLIDARITE STRATEGIQUE et POLITIQUES D’ETAT. Par C. Harbulot et D. Julienne

La gouvernance mondiale existe déjà… UN DIALOGUE CRITIQUE AVEC B. BADIE

LA LITTERATURE FAIT-ELLE DE LA GEOPOLITIQUE ?

PENSER LA GUERRE AVEC CLAUSEWITZ ?

L’expression GUERRE ECONOMIQUE est-elle satisfaisante ?

LA GEOPOLITIQUE et ses DERIVES

A propos d´un billet de Thomas Piketty

Conférence de Bertrand Badie : Les embarras de la puissance (9 février 2014)

Conférence de Bertrand Badie : L’humiliation : une pathologie des relations internationales (6 novembre 2014)