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Mondialisation, Etats, organisations, relations interpersonnelles : QUELS EXERCICES DISCURSIFS DU POUVOIR ? O. DUPONT
lundi 9 mars 2020 Olivier DUPONT
Nous remercions Olivier Dupont pour son beau texte inédit sur le pouvoir du langage. Le pouvoir quel qu’il soit s’appuie largement sur des formes discursives. Après avoir assis conceptuellement son approche, le propos de l’auteur s’inscrit dans des exemples parlant de notre monde. O. Dupont interroge notre « Société de l’information », forme de mondialisation favorisée par les technologies numériques. Il pose la réalité du pouvoir discursif dans ce cadre, mais sans nier tout d’abord les échelles intermédiaires.
Olivier Dupont est Maître de conférences en Sciences de l’information et de la communication à l’Université Lyon 3. Il concourt à l’épistémologie de sa discipline par des enseignements sur ses fondements théoriques et par différents travaux de recherche dont une partie porte sur le pouvoir discursif. Il a publié en 2018 et 2019, les versions française et anglaise d’un ouvrage intitulé : « Le pouvoir un concept pour les sciences de l’information et de la communication », Iste éditions et Wiley.
Le pouvoir discursif possède de multiples registres : injonction autoritaire, simples recommandations, propagande, jusqu’aux formes les plus douces de la séduction (soft power) etc... La mondialisation contemporaine, c’est aussi la valorisation de normes managériales. L’anglais des affaires (globish) porte aussi et avant tout « une explication du monde ». Le pouvoir du langage, c’est d’assoir une vérité prétendument scientifique « car son efficacité est mondialement reconnue ». Fétichisation du chiffre, appropriation de certains mots tels que changements, réformes... La domination symbolique (P. Bourdieu), plutôt que la coercition participe à la fabrique du consentement. Le message le plus puissant aujourd’hui, est souvent l’image, autre forme de langage. O. Dupont, avec les outils des Sciences de la communication et l’information ainsi que de nombreux exemples, introduit dans cet article, une forte résonance avec la mondialisation et géopolitique contemporaine (cf textes sur notre site). Ni fin de l’histoire, ni démocratie universelle, ni fin de la domination, ni parfaite transparence de « la Société l’information » ........... mais un changement de degré et de nature, et surtout une multiplicité des formes dans l’exercice du pouvoir discursif. Evoquons cette longue citation de l’auteur :
« La propagande, ce n’est pas une domination linguistique qui opère, mais une domination discursive qui s’attelle à saturer l’espace public, qu’il soit national ou international, d’un seul système global d’explication du monde, c’est-à-dire à naturaliser un ensemble cohérent de représentations. Le contrôle des médias et l’homogénéité des discours diffusés, la censure, la dissimulation et les mensonges systématiques sont des moyens clés utilisés par la propagande. Or, les mensonges et secrets dénoncés par les lanceurs d’alerte, le recours sans retenue aux « fake news », l’occultation si ce n’est la censure des paroles ou discours alternatifs, la prise de contrôle des médias par des groupes internationaux dans des conditions oligopolistiques, les éléments de langage, la langue de bois et la rationalisation technologique d’une pensée dominante s’exprimant à tous les niveaux des sociétés, traduisent une présente forte de le propagande dans le monde actuel ».
P.L
« Mondialisation, Etats, organisations, relations interpersonnelles : quels exercices discursifs du pouvoir ? »
Plusieurs disciplines des sciences humaines et sociales s’interrogent sur le pouvoir que les hommes et les institutions peuvent exercer à la fois par la mise en œuvre de la parole et par la production et la diffusion de textes écrits. Les deux, en tant qu’objet d’étude, sont souvent désignés sous le terme de discours et l’on peut alors parler de « pouvoir discursif ». Son étude recouvre des réflexions sur, le choix des mots, la maitrise des techniques argumentatives, le contrôle des espaces dédiés aux débats et à la diffusion des textes, et d’une manière plus contemporaine, les techniques de communication et les accès à l’information. Ce pouvoir langagier ou discursif, a constitué une préoccupation historique de la philosophie et est un concept fréquemment mobilisé au sein des sciences de l’information et de la communication, mais c’est aussi un questionnement qui parcourt, d’une manière plus ou moins fréquente, les sciences du langage, la psychologie, la sociologie, les sciences politiques, les sciences de gestion et même les sciences économiques.
La réflexion sur un exercice discursif du pouvoir remonte à la Grèce antique et à la mise en cause de la tyrannie et des sophistes par Platon. C’est dans le contexte d’une théorisation du pouvoir « politique » et de la bonne conduite des affaires des cités antiques, que celui-ci examine la manière dont le pouvoir doit s’exercer afin d’accéder à la vérité et d’assurer le bien commun. La rhétorique [1] va dès lors devenir à la fois un objet d’étude, un sujet de polémique mais aussi une pratique enseignée, et ce, de l’antiquité jusqu’à la période la plus contemporaine [2] où l’on s’y intéresse plutôt en parlant de communication et d’argumentation (Breton, 1996).
Mais le pouvoir politique, n’est que l’une des manières dont sont envisagés les rapports de force et les phénomènes d’influence et de domination, que ce soit dans les sociétés, les communautés, les organisations ou tout simplement au sein des relations interpersonnelles. Par exemple, le concept de pouvoir est aussi utilisé pour penser les capacités d’action détenues par certains individus et certains groupes (Arendt, 1983), il permet également de considérer des formes particulières de relations qui s’expriment dans les lieux les plus spécifiques [3] (Foucault, 1976) et les interactions les plus fines. Là encore son exercice passe en partie par le langage. Quelques illustrations sont suffisantes pour percevoir cette expression discursive du pouvoir « capacité d’action » et du pouvoir relationnel [4] . Pour la première, on peut se référer aux cérémonies de remise de décorations de la part d’un représentant de l’Etat et à la valeur performative du discours [5] lorsque celui prononce la phrase suivante : « par les pouvoirs qui me sont conférés, je vous fait chevalier de la légion d’honneur ». Au moment où la phrase est prononcée, l’état du monde est modifié et le bénéficiaire devient effectivement « chevalier de la légion d’honneur ». Mais tout un chacun, n’a pas la capacité d’action de transformer un autre en « chevalier de la légion d’honneur » par cette simple énonciation. Il faut un statut, une position sociale et institutionnelle ainsi que d’autres éléments pour qu’opère ce pouvoir du langage, ce que le philosophe américain Searle (1972) appelle des « conditions de félicité ». Néanmoins, d’autres cérémonies ont un fonctionnement similaire même si ce n’est pas un représentant de l’Etat en tant que tel qui prononce les mots mais le représentant d’une institution plus circonscrite qui exerce ce pouvoir comme dans le cas d’un président d’université qui fait docteur honoris causa une personnalité éminente.
En ce qui concerne l’expression discursive d’un pouvoir relationnel, elle peut être également illustrée à partir d’exemples. On peut tout d’abord, évoquer toutes les félicitations verbalement exprimées dans le cadre d’interactions professionnelles ou familiales qui suscitent l’engagement accru dans l’action de leurs destinataires. On peut aussi, d’une manière plus précise analyser le langage verbal et non verbal [6] utilisé par le président Macron vis-à-vis du président Trump à l’occasion de leur première rencontre, et relever la tentative d’exercer un pouvoir relationnel par l’utilisation d’un « langage de la séduction ». Ce pouvoir est relationnel en se référant à la définition proposée par Dahl (1969, p.80) : « A a du pouvoir sur B dans la mesure où il peut faire faire à B une chose que B ne ferait pas autrement. » Enfin, il est frappant de constater avec Gheorghiu et Moatty (2005) que l’exercice du pouvoir managérial passe de plus en plus par les recommandations fleurissant dans de nombreux ouvrages destinés aux managers qui les incitent à provoquer des conversations personnelles (sur la famille, les loisirs…) avec chaque collaborateur en s’écartant des préoccupations professionnelles afin de développer un « management de proximité ». Ce faisant, aux injonctions propres à un « langage de l’autorité », se substituent l’efficacité d’un « langage de proximité ».
Ayant souligné, la présence d’un pouvoir discursif quels que soient les cadres conceptuels adoptés pour analyser le pouvoir et son exercice, il nous semble aussi nécessaire de prendre en compte le fait que ce pouvoir discursif s’exprime à différents niveaux du fonctionnement des sociétés. Il se manifeste en effet aussi bien au niveau des institutions et des Etats, qu’au sein des groupes et des organisations, de même que dans les relations interpersonnelles. En prenant acte des phénomènes de mondialisation, il est d’actualité de se poser la question de savoir s’il y a des spécificités ayant trait à l’exercice du pouvoir discursif à cette échelle.
Nous avons fait allusion au langage de la séduction, au langage de l’autorité, au langage de proximité … Nous pourrions y ajouter des langages de la dissimulation (langue de bois), de la coopération etc. Ces langages peuvent être associés à des registres, à des lexiques, à des modes d’adressage, à des figures de style spécifiques, à des situations d’énonciations contrôlées voire même à des horizons sociaux. Leurs caractéristiques, c’est qu’ils portent un pouvoir lorsqu’ils sont mis en œuvre dans des discours aux différents niveaux précédemment mentionnés. Le langage de dissimulation et son avatar que l’on qualifie de langue de bois s’exerce aussi bien dans l’organisation [7] qu’au niveau des Etats [8] ou dans les relations interpersonnelles [9] . Il en est de même pour le langage de la séduction que l’on peut identifier dans une relation interpersonnelle comme dans le discours annuel d’un PDG d’une entreprise multinationale ou dans le discours [10] politique d’un parti démocratique ou non.
Mais certaines expressions du pouvoir discursif se développent au niveau macrosocial. C’est-à-dire pour le moins dans des communautés, des Etats ou même dans les rapports entre Etats, ce qui nous amène dès lors à réfléchir aussi à des formes de ce pouvoir qui pourraient soit s’amplifier soit même apparaître sous l’influence des phénomènes de mondialisation. Nous allons tour à tour considérer la question de la domination linguistique exercée par une langue, le fonctionnement de la propagande qui ontologiquement comporte une dimension mondiale, les spécificités des manifestations d’un pouvoir discursif associées à la mondialisation capitaliste et marchande et enfin la mondialisation des modèles se diffusant à travers le « discours culturel » . [11]
La domination linguistique exercée par l’expansion voire l’imposition d’une langue
Le pouvoir politique s’est souvent appuyé sur l’imposition d’une langue, ce que les linguistes qualifient de dirigisme linguistique (Hagège, 1985). Le latin et le grec ont ainsi constitué les normes d’expression dans les empires romains et byzantins affirmant l’autorité politique mais facilitant aussi les échanges. A l’opposé, l’usage des langues régionales, des dialectes et autres patois a été découragé voire interdit dans les Etats-Nations car jugé comme le ferment de contre-pouvoirs menaçants [12] Dans le cadre des Etats démocratiques contemporains, les mécanismes d’imposition semblent atténués ; en France par exemple, le basque, le provençal, le corse peuvent donner lieu à des enseignements organisés au sein de l’éducation nationale. Néanmoins de nos jours, une autre langue, fortement associée aux développements économiques et politiques de la mondialisation semble exercer une nouvelle domination : l’anglais. Ce n’est plus, en tant que telle, une instance étatique qui en fixe les usages, ni même un organisme international. Ce sont les pratiques commerciales et industrielles qui, en s’internationalisant sur la base d’entreprises multinationales en majorité anglo-saxonne, semblent concourir à l’émergence d’une langue des affaires, qui n’est de fait qu’une version appauvrie de l’anglais, mais dont le nom souligne sa qualité mondialiste : « le globish ». Si cette « langue » apparait comme destinée à faciliter les échanges, nous montrerons dans le 3° paragraphe qu’elle vise aussi à produire des représentations communes diffusant une idéologie à l’échelle planétaire. Néanmoins, certains chercheurs (Oustinoff, 2013 ; 2018) croient déjà identifier une « re-babélisation » accélérée du monde qui constitue un renversement de perspective à la fois communicationnel et géopolitique du monde, la mondialisation devenant alors « post-américaine ». Le symptôme de cette évolution, c’est la diminution sensible de la part des publications en anglais sur le web qui est passée de 90% à la fin des années 1990 à 30% à la fin des années 2000. Si l’on en croit Oustinoff, l’avenir serait à un « plurilinguisme » souhaitable car luttant contre « l’aphasie conceptuelle » [13] tout en se conjuguant avec le développement des technologies de traduction, permettant de parler à l’autre dans sa propre langue. Il faut sans doute se méfier de ce type de prévisions. Certes, comme l’a montré Eco (1994), la langue commune est une « quête sisyphienne » dans l’histoire de l’humanité qui se heurte régulièrement aux phases de multiplication des langues parlées en fonction des transformations géopolitiques comme l’effondrement des empires. Cependant, dans un espace donné, l’espace francophone par exemple, des langues et des parlers peuvent très bien cohabiter avec une langue ayant vocation à exercer une domination discursive. C’est ainsi que l’argot, les langues régionales, le langage familier, les créoles peuvent être très présents dans des échanges discursifs en France ou dans la zone francophone sans pour autant mettre en cause l’usage et la domination du français académique dans l’espace public et les situations officielles. C’est ce que permet d’analyser avec pertinence le cadre théorique proposé par Pierre Bourdieu (1982) pour penser la nature du pouvoir discursif relatif à l’utilisation d’une langue ou d’une autre dans différentes classes de situation. De fait, il s’agit d’un cadre d’analyse intéressant pour comprendre comment la langue ou le langage utilisé concourt à exercer un pouvoir discursif en l’absence de l’interdiction et de la coercition directe exercée par ce pouvoir.
On peut résumer sa thèse comme suit : il existe un marché des échanges langagiers où le langage utilisé par les uns ou par les autres, s’appuyant sur des statuts sociaux prend une valeur plus ou moins importante. Lors d’une situation officielle (inauguration, discours politique, débat à la télévision …) le français académique prend une valeur supérieure au béarnais et renforce les différences de statut entre celui qui le maîtrise et celui qui ne peut s’exprimer qu’en béarnais. Certes, ce n’est pas le cas dans les échanges familiaux, mais il s’agit d’un autre marché, moins important pour l’exercice du pouvoir, dans lequel le parler familier se voit sans doute doté d’une valeur supérieure au langage académique. Le modèle est tout à fait pertinent pour analyser le pouvoir discursif s’exerçant à différents niveaux. Il fonctionne par exemple pour comprendre les situations d’échanges langagiers dans l’entreprise où le « globish » managérial des cadres et dirigeants prend une valeur supérieure à l’argot technique ou à la langue populaire des ouvriers ou employés. Que le chinois remplace l’anglais à moyen terme dans les échanges internationaux ne changera guère ces phénomènes de distribution des pouvoirs et on peut très bien imaginer que des groupes ou des acteurs sociaux distincts contrôlent des espaces économiques, sociaux ou politiques distincts en assoyant leur domination sur la maîtrise d’une langue d’initiés.
Le fonctionnement de la propagande qui ontologiquement comporte une dimension mondiale
Le terme propagande apparaît en 1622, lorsque le pape Grégoire XV fonde la Congregatio de Propaganda Fide [14] qui a pour mission, face à la Réforme, d’amplifier la diffusion du discours catholique pour convaincre mais aussi, de réprimer les discours hérétiques par tous les moyens (abjuration, censure…) Dès sa naissance, la propagande est inscrite dans le cadre d’une mondialisation des affrontements religieux. Il faut bien situer le contexte historique de cette période, les guerres de religion sont à peine terminées en France, et depuis 4 ans la guerre de 30 ans, où s’affrontent en particulier les puissances catholiques et les puissances protestantes européennes, ravage l’Europe. De plus, l’évangélisation des colonies est en train de devenir un enjeu capital à l’échelle mondiale pour les différentes églises. L’enjeu, c’est d’assurer le monopole d’un système global d’explication du monde, le catholicisme, et des motifs d’action cohérents avec celui-ci. Ce système global d’explication du monde qu’il s’agira d’imposer, c’est ce qu’il va y avoir de commun à toutes les « propagandes » qui vont se succéder comme l’a analysé Jacques Ellul (1962, p.22). Après le développement des systèmes républicains et démocratiques suite aux différentes révolutions du XVIIIe et du XIXe siècle, caractérisés par des lieux offerts aux discours contradictoires et aux délibérations, la première moitié du XXe siècle est marquée par le développement à l’échelle mondiale de régimes totalitaires comme le nazisme et le stalinisme qui systématisent l’usage de la propagande et en revendique même sa maîtrise [15] . Dans ce contexte géopolitique, des analyses critiques de la propagande se développent. Elles essayent d’expliquer les techniques employées qui en font l’efficacité. Tchakhotine (1959) s’intéresse entre autres, à la mise en condition des récepteurs pour qu’ils soient convaincus par les messages diffusés grâce aux nouveaux médias de masse et en particulier la radio. Orwell (1950) s’attache à décrire le fonctionnement d’une « novlangue » conjuguée à une surveillance constante des individus. C’est enfin Jacques Ellul au début des années 1960 qui établit la dimension mondiale de la propagande, laquelle ne se cantonne pas aux régimes totalitaires mais s’exerce aussi dans les démocraties pluralistes. Certes, il reconnaît que dans ces dernières la propagande agit plus par imprégnation via le cinéma et la publicité que par coercition. Néanmoins, elle est totale comme dans les régimes totalitaires, car jouant aussi bien sur les sentiments que sur les idées, elle construit un mythe qui « impose une image globale, de connaissance intuitive qui n’est susceptible que d’une interprétation, unique, unilatérale, et qui exclut toute divergence » (Ellul 1962, p.22). Si le terme propagande tend à être moins utilisé dans la période actuelle, l’expression de soft power introduite par Joseph Nye (1990) recouvre les mécanismes identifiés par Ellul simplement actualisés à l’aune de la société médiatique et communicationnelle du XXIe siècle.
A travers la propagande, ce n’est pas une domination linguistique décrite dans le paragraphe précédent qui opère, c’est une domination discursive qui s’attelle à saturer l’espace public, qu’il soit national ou international, d’un seul système global d’explication du monde, c’est-à-dire à naturaliser un ensemble cohérent de représentations. Le contrôle des médias et l’homogénéité des discours diffusés, la censure, la dissimulation et les mensonges systématiques sont des moyens clés utilisés par la propagande. Or, les mensonges et secrets dénoncés par les lanceurs d’alerte, le recours sans retenue aux « fake news », l’occultation si ce n’est la censure des paroles ou discours alternatifs, la prise de contrôle des médias par des groupes internationaux dans des conditions oligopolistiques, les éléments de langage, la langue de bois et la rationalisation technologique d’une pensée dominante s’exprimant à tous les niveaux des sociétés, traduisent une présente forte de le propagande dans le monde actuel.
L’idée de distinguer différents types de propagande en fonction de leur visée téléologique, rejoint la question plus globale de l’éthique du discours et de la communication. Elle consiste à se demander si la fin justifie les moyens ou si le message propagandiste et le message publicitaire [16] peuvent être utilisés dans le cas d’une juste cause qui s’inscrit dans la recherche du bien commun et de l’intérêt général. C’est une question qui préoccupe beaucoup les sciences de l’information et de la communication et les philosophes de la communication, et l’on peut par exemple s’intéresser aux travaux de Jürgen Habermas (1987) sur l’agir communicationnel pour éclairer cette question.
Mais si l’on déterritorialise les discours, en se détachant de l’identification d’instances énonciatrices précises (un Etat ou un groupe d’Etats, une organisation, un parti politique) qui vise à exercer un pouvoir discursif sur des destinataires (des populations, des citoyens, des salariés, des électeurs) et en considérant le capitalisme mondialisé dans son ensemble, on peut identifier d’autres manifestations nouvelles ou renforcées d’un pouvoir discursif.
Les spécificités des manifestations d’un pouvoir discursif associé à la mondialisation capitaliste et marchande
Le premier constat que l’on peut faire est relatif au « globish » dont nous avons déjà parlé. En effet, comme l’ont montré des chercheurs en sciences de l’information et de la communication (Dupont, 2018, p.73), il ne fait que ressembler à l’anglais économique. Il relève avant tout d’une identité et d’une idéologie mondialiste et non d’un souci d’une intercompréhension rapide et efficace. A l’image de la messe en latin, son utilisation n’est pas principalement sémantique. Comme nous l’a expliqué Bakhtine (1977, p.109), les mots étrangers ont historiquement charrié avec eux des forces et des structures étrangères [17] , en l’occurrence la force de la vérité économique du capitalisme anglo-saxon fortement confortée par l’effondrement de l’union soviétique et la conversion à l’économie de marché du bloc communiste. Le globish, en tant que langage initié de l’élite mondialisée ou de ceux qui aspirent à en faire partie, possède certes des référents [18] très techniques dans le monde de la finance par exemple, mais il comporte aussi des termes approximatifs (control-tower), dont la finalité est avant tout de traduire une appartenance identitaire. Il peut aussi comporter des termes polysémiques (fair process, cost killer) qui dépassent la seule appartenance identitaire. Pour comprendre leur fonctionnement, il nous faut aborder une seconde facette du pouvoir discursif mondialisé.
Détachés d’instances énonciatrices précises, ces termes sont issus d’une production lexicale diffuse dont on ne peut que rarement identifier une origine première et exclusive mais qui peut être attribuée collectivement à un ensemble d’entreprises mondiales, de théoriciens du management et de cabinets de conseils internationaux [19] . Ceux-ci opèrent une production lexicale de « concepts » relayés à l’échelle mondiale. La polysémie et l’ambiguïté des expressions (fair process, cost killer, talent, agility…) est destinée à homogénéiser les référents à l’échelle mondiale tout en permettant aux organisations d’y inscrire leurs politiques et stratégies particulières. En les adoptant, celles-ci marquent leur appartenance à la communauté mondiale des entreprises d’excellence et peuvent systématiquement opposer l’argument d’autorité de « l’efficacité mondialement reconnue » à toute demande de justification [20] .
Si l’on poursuit dans l’examen d’un pouvoir discursif propre au système capitaliste mondialisé, on ne peut que relever le rôle croissant que prend le chiffre ou le nombre en son sein. Il n’y a plus seulement une fétichisation de la marchandise tel que les marxistes l’ont explicité, mais on se retrouve confrontés à une fétichisation du chiffre comme Bourdieu (1984, p. 222) l’a souligné à propos des sondages. Celui qui ne parle pas chiffre est décrédibilisé, celui qui semble à l’aise dans leur utilisation voit sa parole prendre une valeur forte sur le marché des échanges langagiers lié à l’expertise et à la décision. Les agences de notation internationales construisent un discours classificatoire des pays, structuré par une échelle de notation très détaillée. La crise économique de 2008 a été l’occasion de constater la valeur perlocutoire de ces notations sur la situation de différents pays.
Mais le processus qui nous paraît le plus puissant est celui que nous avons appelé l’absorption discursive [21] (Dupont, 2018, p.78). De fait, le discours louant les bienfaits du capitalisme et de la mondialisation est un discours dominant dans les médias et les espaces publics des principales puissances économiques. Ce discours s’approprie régulièrement les discours critiques ou alternatifs et les absorbe en dévoyant leurs argumentations et en dégradant (Angenot, 1983) les concepts critiques qu’ils mettent en avant. On peut citer la manière dont les mots ou expressions « changement », « développement durable », « responsabilité sociale des entreprises », « changement climatique »« laïcité » etc. sont adoptés dans des acceptions très appauvries par les rhéteurs de la mondialisation et ainsi vidés de leur sens critique [22] . On peut aussi donner l’exemple de la manière dont la caricature peut être réintégrée par les hommes politiques dans les ethos [23] qu’ils adoptent, ce qui a des conséquences bénéfiques pour eux, en les instituant animateurs d’un spectacle politique où l’original apparait plus vrai et donc plus sincère que sa caricature ou sa marionnette. Trump, et Berlusconi avant lui, en sont devenus des archétypes. Dans la plupart des pays, il n’y a pas de droit moral à l’authenticité des propos des auteurs, qui protège du détournement des discours sociaux ou même artistiques. L’exemple récent de l’instrumentalisation de la chanson de Stromae « Papa où t’es ? », devenue un hymne anti-PMA (Procréation Médicalement Assistée) du mouvement « la manif pour tous »en est une illustration forte. Comme l’a démontré Bakhtine au XXe siècle, le mot est une « arène », et celui qui y entre avec les armes les plus fortes – par exemple médiatiques et propagandistes - a de grandes chances de le tordre à son profit.
Le dernier aspect qu’il nous parait intéressant de traiter dans cet article, est celui inhérent à la mondialisation des produits culturels et ce faisant des discours qu’ils portent.
La mondialisation des modèles se diffusant à travers le « discours culturel »
Au XXe siècle, l’école de Francfort, puis les cultural studies se sont abondamment penchés sur cette forme de discours d’influence indirecte diffusé par les médias de masse qui soit, détourne des préoccupations sociales, soit normalise des comportements. Stuart Hall (1992) a expliqué comment la domination culturelle peut s’exercer par l’intermédiaire de contenus médiatiques qui semblent, a priori, mais à tort, relever du seul divertissement (variétés, feuilletons, …) De fait, ces programmes diffusent et légitiment des grilles d’interprétation de la réalité, des modèles de pensée et d’action qui se rapportent à la politique au sens large, en tant que mode de régulation de la société. Que les produits culturels diffusés à l’échelle mondiale le soient par le biais de la télévision ou du web, et que les formats dominants passent du film à la série, la pertinence de ces analyses n’est pas remise en question et la mondialisation, saisie à travers le nombre de productions et leur circulation reste fortement imprégnée par l’American Way of Life. On peut d’ailleurs remarquer que de nombreux produits concourent à l’absorption discursive en intégrant et ré-agençant les discours critiques destinés à cet American Way of Life.
Mais un phénomène culturel émergeant à la fin du XXe siècle nous semble dépasser la seule qualité de produit culturel. Il s’agit du pouvoir discursif lié à l’image. Que ce soit des émissions de divertissement, des fictions ou des émissions d’information, l’image a un rôle central. Si le « tous journalistes » ou le « tous écrivains » avec les blogs a montré ses limites, le « tous producteurs d’image » semble s’inscrire dans la réalité sociale mondiale des années 2010. Les images virales conjuguées aux réseaux sociaux deviennent des instruments de propagande et de publicité pour influencer, manipuler, décrédibiliser mais aussi des instruments de contre-pouvoir pour dénoncer et pour protester. Un choc se produit entre la communication de masse unidirectionnelle des discours politiques et marketing d’une part, et la communication personnelle de masse (Castells, 2007) où chaque individu peut produire des discours d’influence d’autre part. Les messages politiques et marketing se structurent de plus en plus autour de l’image, et comme l’explique Castells, le message le plus puissant est souvent un simple message attaché à une image. En politique, c’est un visage humain, et la personnalité de l’homme politique tracée, filmée, montée et mise en scène dans les médias, se substitue aux textes programmatiques que peu écoutent ou lisent. Mais les individus étant tous producteurs, un jeu de tromperie s’opère afin que le discours d’influence ne puisse être attribué à l’instance originelle de son énonciation, par exemple le parti politique ou le groupe international. Il s’agit de capter l’intérêt et d’instrumentaliser des individus producteurs d’images, des influenceurs dont les productions de discours et d’images, bref d’une culture populaire, sont suivis sur le web par de nombreux followers, afin qu’ils montrent et relaient les images que les responsables politiques et les entreprises marchandes souhaitent diffuser.
Dans la continuité de McLuhan (1968), on pourrait dire que l’image devient un opérateur de la pensée associé à la mondialisation. On peut, en particulier, s’inquiéter que ce soit une « pensée zapping » qui se développe, laquelle ne peut que réactualiser, voire renforcer à l’échelle mondiale la fonction de diversion des produits culturels dénoncée par l’école de Frankfort.
Conclusion
Les sciences de l’information et de la communication ont sans doute tendance à privilégier le rôle de la communication et de ses nouvelles formes dans l’exercice d’un pouvoir discursif. Elles s’intéressent à une nouvelle société mondialisée qui serait la société de l’information. Elles évaluent la manière dont les technologies numériques et réticulaires offrent de nouveaux vecteurs de diffusion et de contrôle. Elles examinent les évolutions entre les différentes formes de propagande et d’influence (totale, douce, indirecte…) qui peuvent s’appuyer sur ces transformations. Néanmoins, la rhétorique utilisée, la domination linguistique, la propagation discursive des modèles culturels ou le mensonge, s’ils présentent des aspects spécifiques dans le contexte de la mondialisation, sont présents aux différentes échelles d’exercice d’un pouvoir discursif comme nous l’avons expliqué. On ne peut donc penser un pouvoir discursif mondialisé, qu’en prenant en compte toutes les expressions du pouvoir discursif quelle qu’en soit l’échelle.
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Notes
[1] Pour appréhender de manière synthétique la rhétorique on peut se référer au Chapitre 1 de l’ouvrage de Jean-Paul Metzger Le Discours un concept pour les sciences de l’information et de la communication (Metzger, 2019)
[2] Le développement des concours de plaidoirie en est une illustration très actuelle
[3] Foucault mentionne les spectacles, les jeux, les sports, les relations familiales …
[4] Pour en savoir plus sur le pouvoir relationnel, se référer au chapitre 2 de l’ouvrage Le Pouvoir un concept pour les sciences de l’information et de la communication (Dupont, 2018, p.25 et suivantes)
[5] A ce propos, il faut avoir à l’esprit la théorie des actes de langages développée par les philosophes américains Austin et Searle et évoquée dans l’ouvrage précédemment cité (Dupont, 2018, p.43)
[6] Les embrassades et les poignées de main interminables, les nombreuses hyperboles dans les non moins nombreux compliments adressés.
[7] Cette langue de bois est dénoncée par les salariés qui produisent des petits lexiques caricaturant les phrases creuses des dirigeants et des managers pouvant se démultiplier à partir d’une matrice de noms, de verbes et d’adjectifs tous substituables les uns aux autres : Chaque mot d’une colonne peut être combiné avec n’importe quel mot des autres :
L’excellence renforce les facteurs institutionnels
L’intervention mobilise les processus organisationnels
L’objectif révèle les paramètres qualitatifs
[8] La « sovietlangue » qu’a étudié l’historienne Françoise Thom (1987)
[9] Il suffit de penser aux propos que tiennent fréquemment les commerciaux avec leurs clients.
[10] Il faut aussi considérer avec Mainguenau (1991) que lorsque l’on parle de discours d’un parti politique, il ne s’agit pas d’une instanciation discursive, mais de l’ensemble des discours produits et diffusés par le parti, ce que Mainguenau appelle l’Archive
[11] Il est intéressant de se référer à la définition de la culture proposée par Bakhtine : « la culture est composée des discours que retient la mémoire collective (les lieux communs et les stéréotypes comme les paroles exceptionnelles), discours par rapport auxquels chaque sujet est obligé de se situer. » (Todorov, 1981, p.8)
[12] Parmi les exemples les plus parlants au XXe siècle, on peut relever celui du basque et du catalan dans l’Espagne franquiste.
[13] c’est-à-dire celle « qui consiste à ne penser que dans le cadre d’une seule langue, au demeurant aseptisée, simplifiée à outrance, comme l’est l’anglais international, le globish, qui n’est que la caricature de l’anglais véritable. » (Lévy-Leblond, 2007, p. 211) »
[14] Congrégation pour la propagation de la foi.
[15] Goebbels est officiellement le « ministre de la propagande » du IIIe Reich.
[16] Les deux ont en commun la répétition par tous les médias afin de s’inscrire de manière durable dans l’esprit des récepteurs.
[17] Remarquons que ce ne sont pas forcément les mots des conquérants géographiques (les Romains) qui seuls ont eu cette résonnance, ce peuvent être aussi les mots de ceux qui, conquis, ont porté une supériorité morale, culturelle ou autre (les Grecs).
[18] Le référent en linguistique, est l’objet désigné dans le monde réel par le couple signifiant (le signe, en l’occurrence les lettres qui composent le mot) et signifié (le sens pris par le signe dans ce cas.). A titre d’exemple, le KM (Knowledge Management) peut désigner un référent très technique comme un système de stockage des meilleurs pratiques.
[19] Du type Arthur Anderson, Peat Marwick ….
[20] A la magie du terme anglais (fair process, cost killer) qui subsume l’efficacité et la modernité de ses initiateurs supposés, peut s’articuler un discours justificateur du type : c’est la solution optimale (rationalité purement technologique) qui est mise en place à la fois par nos concurrents et dans tous les secteurs d’activités ; si on ne l’adopte pas, l’entreprise va disparaître.
[21] Afin d’appréhender pleinement ce phénomène, nous ne pouvons que conseiller la lecture du partie 4 du chapitre 4 de l’ouvrage en référence (Dupont, 2018, p.78).
[22] Dans une perspective parallèle les analyses de Thierry Libaert (2010) sur le greenwashing sont une autre illustration de cette absorption.
[23] L’ethos, concept de la rhétorique, peut se traduire par la présentation de soi, parmi celles qui sont possibles dans un contexte social donné, qu’adopte l’énonciateur d’un discours.
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