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LA RUSSIE A-T-ELLE LES MOYENS DE VAINCRE EN 2024 ? Michel FOUQUIN

LE POUVOIR DE LA MONNAIE AU SERVICE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOCIALE. ENTRETIEN EXCLUSIF AVEC JÉZABEL COUPPEY-SOUBEYRAN, PIERRE DELANDRE, AUGUSTIN SERSIRON

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DE LA FRAGMENTATION À L’INSTALLATION D’UN « DÉSORDRE » MONDIAL (II)

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« ENTRE IGNORANCE ORGANISÉE ET RÉSILIENCE, LA GESTION DE LA CATASTROPHE NUCLÉAIRE DE FUKUSHIMA PAR LA RESPONSABILISATION DES VICTIMES ». Alexandre VAUVEL

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NE PAS SE SOUMETTRE À L’HISTOIRE. IMPRESSIONS DE « DÉJA VU »

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ÉTHIQUE NUMERIQUE ET POSTMODERNITÉ. Par Michel MAFFESOLI

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LES DESSOUS GÉOPOLITIQUES DU MANAGEMENT. Par Baptiste RAPPIN

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L’ACTUALITE DE KARL POLANYI. Par Nadjib ABDELKADER

« LE MONDE D’AUJOURD’HUI ET LE MONDE D’APRES ». Extraits de JEAN FOURASTIE

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« POUR TIRER LES LEÇONS DE LA CRISE, IL NOUS FAUT PRODUIRE MOINS ET MIEUX ». Par Th. SCHAUDER

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Mondialisation, Etats, organisations, relations interpersonnelles : QUELS EXERCICES DISCURSIFS DU POUVOIR ? O. DUPONT

LE CAPITALISME et ses RYTHMES, QUATRE SIECLES EN PERSPECTIVE. Par Pierre Dockès

NATION et REPUBLIQUE, ALLERS-RETOURS. Par Gil DELANNOI

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LE DEFI DE L’INTELLIGENCE ECONOMIQUE par N. Moinet

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LA MONDIALISATION et LA SOUVERAINETE sont-elles CONTRADICTOIRES ?

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La gouvernance mondiale existe déjà… UN DIALOGUE CRITIQUE AVEC B. BADIE

LA LITTERATURE FAIT-ELLE DE LA GEOPOLITIQUE ?

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LA GEOPOLITIQUE et ses DERIVES

A propos d´un billet de Thomas Piketty

Conférence de Bertrand Badie : Les embarras de la puissance (9 février 2014)

Conférence de Bertrand Badie : L’humiliation : une pathologie des relations internationales (6 novembre 2014)

« LA GUERRE DES PUISSANTS »

Les stratagèmes de domination de la Chine et des Etats-Unis

mercredi 11 mai 2022 Catherine DELAHAYE

Dans cet essai, les auteurs (*) analysent en mobilisant des exemples-clefs, les stratagèmes de domination des deux grandes puissances (Chine et Etats-Unis) . On lira en particulier la question des satellites, substitut des câbles sous-marins etc... Point n’est utile de revenir sur la dimension multidimensionnelle de la puissance, il s’agit ici d’en évaluer différents outils. Les deux pays s’inscrivent dans une compétition de puissances éco-systémiques [1].

Bien loin de la mondialisation heureuse, la dimension conflictuelle de l’affrontement ne peut que s’accroître. « Les deux grands partenaires » semblent désormais avoir moins d’intérêts objectifs que dans la période précédente. Les promesses de libéralisation commerciale voire démocratique de la Chine versus importations low cost et nouveaux marchés pour les Etats-Unis ont fait long feu. Pour la Chine, la mondialisation est devenue un accélérateur de puissance lui permettant d’aspirer les technologies, pour les Etats-Unis, une remise en cause de leur hégémonie. On notera des deux côtés la dimension nationale du moment présent (Plan made in China 2025, protectionnisme américain croissant).

Ce que suggère la guerre des puissants, c’est le retour en force de la question (géo) politique (Taïwan, Arctique...), celle de la nature humaine (avec le mot guerre) et bien sûr les limites du tout libéral avec la question des valeurs (démocratiques/autocratiques).

Si la guerre technologique est largement silencieuse, la dimension soft power tend à se durcir notablement, y compris avec les événements que l’on connaît à l’est de l’Europe. Si la fragmentation du monde est désormais enclenchée, nul ne sait ce que sera l’ordre mondial demain.

(*) Catherine Delahaye (conseil stratégiques aux entreprises) a co-écrit La guerre des puissants, VA Editions, 2022 avec Sylvia Grollier (entrepreneure, co-fondatrice d’entreprises), Pierre-Charles Hirson (domaine de l’énergie) et Camille Reymond (questions géopolitiques, les enjeux de puissance). On trouvera de nombreuses précisions sur la fiche auteur.

LA GUERRE DES PUISSANTS. Stratagèmes de domination de la Chine et des Etats-Unis

En ce début de XXIeme, la Chine et les États-Unis sont les deux plus grandes puissances économiques. Personne ne s’était imaginé que la Chine deviendrait un jour la deuxième puissance économique mondiale, juste derrière les États-Unis. Et pourtant dès fin 2021, certaines sources journalistiques occidentales ont même considéré que la Chine était devenue la première puissance économique mondiale, devant les Etats-Unis, du moins en parité de pouvoir d’achat.

Lorsque géopolitique et souveraineté économique s’imbriquent, cela donne naissance à une guerre économique entre deux pays. A l’aide des méthodologies d’intelligence économique et des grilles de lecture enseignées à l’École de Guerre Economique [2], le livre « La guerre des puissants » [3] analyse comment la confrontation Chine/États-Unis a évoluée d’une transformation silencieuse à une affirmation décomplexée. Il s’agit d’un véritable conflit entre deux puissances, l’une dominante et installée, l’autre montante ; entre deux visions, deux idéologies aux valeurs opposées. Maniant avec ingéniosité, force, ruses, opportunités, interdépendances ou persuasions, les deux premières puissances mondiales utilisent tous les leviers de conquête guerrière sur les échiquiers politique, économique et sociétal pour parvenir à leurs fins : la domination du monde.

La Chine doit son ascension à la mondialisation qui a fait d’elle l’atelier du monde dans les années 1990. Les délocalisations massives d’usines et d’entreprises occidentales en Chine se sont accompagnées de transferts de technologie avec, à la clé, plus de connaissances acquises par la Chine. La vision court-termiste de recherche du profit maximum, de l’économie américaine notamment, a ainsi été largement favorable au développement économique chinois. Dans les années 2000, la Chine est devenue un partenaire commercial incontournable pour de nombreux pays et particulièrement les États-Unis.

La confrontation économique a réellement commencé au grand jour à partir des années 2010 lorsque la Chine commença à devenir menaçante à l’extérieur de son territoire. Les États-Unis, voyant leur suprématie contestée sur de plus en plus de terrains, ont engagé différentes stratégies pour se préserver ou, du moins, ralentir l’avance chinoise. L’arrivée de Donald Trump à la présidence des États-Unis marqua la fin officielle de cette mondialisation heureuse, si tant est qu’elle n’ait jamais existé, et l’entrée dans une guerre économique ouverte. Désormais, une partie de la population occidentale, dont les Américains, semble se rendre compte qu’elle est la grande perdante dans cette mondialisation, d’autant plus que la guerre économique Chine/États-Unis était au premier plan durant les premiers mois de la crise Covid-19.

Aujourd’hui, la Chine comme les États-Unis contraignent de plus en plus leurs partenaires ou d’autres nations à choisir leur camp, dans ce qui ressemble à un début de monde bipolaire, et plus particulièrement dans le monde immatériel. L’intérêt de la grille de lecture d’intelligence économique utilisée dans ce livre est de mettre en lumière ces mécanismes de rapports de forces et de concourir à dessiner l’intelligibilité systémique de ces enjeux de dominations masquées et déguisées.

Figure adaptée par P. Baumard dans une logique de compétition de puissances

Le politique, cœur de la volonté d’accroissement de puissance

En matière politique, la puissance de l’Etat se révèle comme la locomotive des dynamiques hégémoniques, en portant une vision stratégique systémique. C’est la puissance des outils, structures et organes issus de cette vision qui permettent d’opérationnaliser les processus.

Fédérant cette vision à de solides outils opérationnels, ayant des niveaux de capillarité mondiaux, les appareils politiques de la Chine et des États-Unis sont façonnés pour et dans une logique d’accroissement de puissance. Ainsi, aux États-Unis comme en Chine, la puissance du secteur public s’enchevêtre et s’intrique en partenariats avec le secteur privé, avec comme résultat l’émergence d’acteurs économiques qui deviendront des méga-leaders sur le marché mondial.

Ces deux nations pensent la confrontation et la domination politiques avec des outils qui leur sont propres en les adaptant à leur style, à leur identité, à leurs ressources ou encore à leurs contraintes. Ce que l’on retrouve chez ces deux puissances semble être d’une part, leur capacité à penser leur approche en écosystèmes, et d’autre part, une forme de similarité dans le maniement des visions à la fois défensives et offensives pour maintenir et développer leur souveraineté nationale.

Le potentiel des autres : comment la Chine transforme l’échiquier économique et financier bâti par les États-Unis

Si la confrontation est bien politique entre les États-Unis et la Chine, elle est également déclinée sur le plan économique et financier, d’une part parce que la guerre en période de paix est devenue immatérielle et économique et, d’autre part, parce que la confrontation, dans un monde financiarisé, passe nécessairement par le contrôle et la régulation des flux monétaires et de leurs instances de régulation, tout autant que par le contrôle des marchés.

La stratégie chinoise d’accroissement de puissance par l’économie est guidée par les plans successifs du Parti communiste chinois. Ils tracent les grandes lignes et les priorités pour les années à venir en matière de développements technologiques et économiques. Cette vision à long terme a permis à la Chine de passer de l’atelier du monde à une économie moderne. Derrière un discours bienveillant, la Chine protège son marché tout en attirant les investisseurs étrangers.

En réaction, la stratégie américaine est moins concertée et s’inscrit souvent dans la temporalité d’un ou deux mandats. Le président Obama a ébauché ce qui aurait pu être une politique sur le long terme avec son projet de pivot vers l’Asie mais il n’a pas réussi à fédérer autour du TPP qui aurait dû être un encerclement économique de la Chine. La réaction fut brutale avec Donald Trump qui a pris des mesures radicales afin de protéger les entreprises américaines : guerre tarifaire, nouvelles législations, ouverture de nouveaux partenariats -notamment avec l’Inde et le Japon- pour proposer des alternatives à la BRI. Le président Biden semble suivre une ligne plus dure que celle de Barack Obama mais moins frontale que celle de Donald Trump.

Un conflit territorial et militaire de plus en plus assumé

Le cas de Taïwan est un élément central du conflit territorial et militaire qui oppose la Chine aux États-Unis. Après une tentative de rapprochement des deux pays en 2009, avec un projet de G2, ou la Chimerica, la vente de matériel militaire à Taïwan pour 6,4 milliards USD complique la relation entre les deux grandes puissances. Quelques mois plus tard, la rencontre entre Barack Obama, alors président des États-Unis, et le Dalaï-Lama va définitivement tendre la relation sino-américaine et marquer un tournant décisif. En signe de protestation face à ce que Pékin considère comme une ingérence, l’ambassadeur des États-Unis en Chine est convoqué. Compte tenu de l’ampleur des tensions, Hillary Clinton, amorce en 2011 le projet de pivot vers l’Asie qui vise à faire basculer le centre de gravité diplomatique, économique et militaire vers l’Asie.

Depuis, les positionnements militaires n’ont de cesse d’évoluer et d’interférer. Parallèlement, plusieurs tentatives de déstabilisation se sont orchestrées afin de séparer les peuples au sein de chaque nation et tenter de s’affaiblir mutuellement.

R&D et technologie, les nouvelles armes d’une guerre silencieuse

La Chine et les États-Unis sont convaincus que posséder une avance technologique permettra de dominer et d’imposer son hégémonie sur le système international.

Les événements récents des restrictions d’entreprises américaines de ventes de semi-conducteurs à des sociétés chinoises, l’interdiction de Huawei dans les réseaux 5G, ou encore l’annonce de programmes spatiaux américains pour retourner sur la Lune ou explorer Mars, sont autant d’exemples de réactions américaines contre une menace de leur supériorité technologique. Et par prolongement, une menace à leur suprématie militaire et idéologique.

Pour arriver à développer des technologies et innover, encore faut-il avoir une stratégie pour créer un écosystème prospère :

 Des structures de recherche performantes ;
 Un système éducatif scientifique performant ;
 Des capacités industrielles capables de transformer les acquis théoriques en biens ou en services ;
 Des structures permettant de financer la R&D et d’investir dans les moyens de production ;
 Un système de propriété intellectuelle permettant de protéger ses innovations ;
 Une capacité à faire les normes ;
 Et favoriser une culture de l’innovation.

C’est ce que les deux nations s’efforcent de mettre en place, leurs stratégies respectives, très similaires, s’axant principalement sur leurs systèmes universitaire et R&D.

Affrontement des soft powers : puissance douce et dure bataille

Le champ socioculturel fait intrinsèquement partie de l’approche globale d’une guerre économique systémique. Le soft power, tel que défini par Joseph NYE, comprend trois composantes : la séduction (ou attractivité), la capacité à organiser l’agenda international et le poids que l’on peut mettre dans les décisions prises (cooptation). Ainsi, sous une apparence innocente, les outils de soft power des deux grandes puissances s’affrontent et se livrent à une dure bataille.

Un des éléments du soft power est le capital immatériel, image de marque d’un pays, de ses valeurs et de ses entreprises, ressource essentielle à défendre et à promouvoir.

Pour asseoir leur marque et en accroître son rayonnement tout en sapant celui de l’autre, la Chine et les Etats-Unis usent de nombreux instruments d’influence et de guerre de l’information. Parmi ceux-ci peuvent être cités les think tanks et les ONG, les médias et les réseaux sociaux, le 7ème art, les jeux vidéo et le sport.

Les technologies de télécommunications mobiles, simple route de la soie digitale ou bataille sino-américaine pour la domination mondiale

Les technologies de télécommunications sont devenues le thème majeur de la confrontation entre les États-Unis et la Chine sur l’ensemble des échiquiers politique, économique et sociétal.

Les moyens de communication tiennent une place centrale, d’autant plus conséquente depuis 2020 et la crise sanitaire qui a démontré leur importance vitale dans la continuité des activités publiques, commerciales et privées.

Les télécommunications mobiles et l’Internet grand public ne sont cependant que la face visible de cet affrontement ‒la crise Huawei en est une parfaite manifestation depuis 2018. En effet et comme l’illustre la guerre actuelle en Ukraine, c’est la stratégie militaire qui peut se trouver fortement impactée.

Ainsi, la maîtrise de ses propres infrastructures réseaux est devenu l’un des aspects critiques du secteur des télécommunications pour chaque pays. De compléments aux câbles sous-marins et aux réseaux terrestres, les satellites apparaissent aujourd’hui de plus en plus comme des substituts. La Chine se positionna dès 1994 sur les infrastructures numériques spatiales, notamment avec son système satellitaire BeiDou. Toutefois aujourd’hui, l’intégrité des satellites peut aussi être atteinte via des attaques physiques sur les satellites eux-mêmes ou des cyberattaques sur les ordinateurs et logiciels qui les pilotent.

C’est ainsi que nous assistons à des alliances et partenariats entre acteurs technologiques publics et privés pour livrer cette bataille sino-américaine et contrer l’ensemble de ces risques.

Les stratégies menées par les deux puissances semblent très similaires, chacune ayant une position dominante selon l’arme utilisée : joute juridique et fiscale, bagarre commerciale et normative, guerre de l’information et jeux d’influence afin d’accroître la dépendance de leurs alliés et de saper le moral de leurs ennemis. Quelques-uns des enjeux de ces affrontements et interdépendances sont développés en dernier chapitre du livre, montrant clairement le jeu coordonné de la myriade d’acteurs sur l’ensemble des terrains matériels et immatériels.

En résumé,

La Chine et les États-Unis se livrent ainsi une guerre sans relâche pour conquérir ou maintenir leur position dominante.

Les deux pays ont en commun une vision systémique et offensive des différents rapports de forces s’exprimant sur les échiquiers mondiaux afin de défendre leurs intérêts, mais aussi attaquer pour conquérir des positions dominantes sur le monde.

Cette confrontation est évolutive et protéiforme, elle se joue sur l’ensemble des terrains d’affrontement nécessaires à un accroissement de puissance : politique, économique, militaire, technologique et socioculturel. Une confrontation qui se fait parfois en parallèle ou de façon plus frontale. Il arrive également que ces deux puissances soient partenaires pour confronter leur hégémonie à l’égard du reste du monde. Aussi, cette guerre peut être dissimulée ou bien ouverte avec pour armes l’information, le droit ou encore des mesures de rétorsion ou des attaques ciblées…

Si les États-Unis et la Chine ont intégré que prôner explicitement une forme de suprématie à l’égard du reste du monde était périlleux, l’utilisation d’un soft power ou encore d’un encerclement cognitif leur permet de dominer le monde d’une façon supposée douce et non guerrière, mais finalement ô combien guerrière et efficace.

Catherine Delahaye, le 10 mai 2022

Notes

[1Trois visages du pouvoir (Boulding 1991). Pouvoir d’échange, pouvoir de coercition, pouvoir d’intégration)

[2Ecole de Guerre Economique, https://www.ege.fr/

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