L’INFLUENCE : FORMES TRADITIONNELLES, FORMES NOUVELLES, MÊMES MÉCANISMES. Claude REVEL
HISTOIRE D’UNE RÉSILIENCE. Recension : Japon, l’envol vers la modernité, ouvrage de P.A. Donnet
LA RUSSIE A-T-ELLE LES MOYENS DE VAINCRE EN 2024 ? Michel FOUQUIN
JACQUES DELORS, L’EUROPEEN. Par Jean-Marc SIROËN
LE GEOINT MARITIME, NOUVEL ENJEU DE CONNAISSANCE ET DE PUISSANCE. Philippe BOULANGER
INTERDÉPENDANCE ASYMÉTRIQUE ET GEOECONOMICS. Risque géopolitique et politique des sanctions
VERS DES ÉCHANGES D’ÉNERGIE « ENTRE AMIS » ? Anna CRETI et Patrice GEOFFRON
LA FIN DE LA SECONDE MONDIALISATION LIBÉRALE ? Michel FOUQUIN
DE LA FRAGMENTATION À L’INSTALLATION D’UN « DÉSORDRE » MONDIAL (I)
DÉMOCRATIE et MONDE GLOBALISÉ. À propos de la « Grande Expérience » de Yascha Mounk
ART ET DÉNONCIATION POLITIQUE : LE CAS DE LA RDA. Elisa GOUDIN-STEINMANN
ET SI LE RETOUR DE L’INFLATION ÉTAIT UN ÉVÈNEMENT GÉOPOLITIQUE ? Sylvie MATELLY
LES NEUTRES OPPORTUNISTES ONT EMERGÉ. Thomas Flichy de la Neuville
LE GROUPE DE BLOOMSBURY ET LA GUERRE. CONVICTIONS ET CONTRADICTIONS. Par Jean-Marc SIROËN
LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE, AVENIR DE L’INDUSTRIE ? Par Nadine LEVRATTO
UKRAINE. « IL FAUDRAIT PROCÉDER À UNE REFONTE DES TRAITÉS QUI RÉGULENT LA SÉCURITE EUROPÉENNE »
NE PAS SE SOUMETTRE À L’HISTOIRE. IMPRESSIONS DE « DÉJA VU »
LA MONDIALISATION A ENGENDRÉ UNE CONFLICTUALITÉ PERMANENTE. Par Raphaël CHAUVANCY
ÉTHIQUE NUMERIQUE ET POSTMODERNITÉ. Par Michel MAFFESOLI
UNE MONDIALISATION À FRONT RENVERSÉ
LES DESSOUS GÉOPOLITIQUES DU MANAGEMENT. Par Baptiste RAPPIN
LE COVID-19 S’ENGAGE DANS LA GUERRE MONDIALE DES VALEURS. Par J.P. Betbeze
LE MULTILATERALISME EN QUESTION. Par Philippe MOCELLIN
« LE VRAI COUPABLE, C’EST NOUS » !
VIVE L’INCOMMUNICATION. Par Dominique WOLTON
LES SENTIERS DE LA GUERRE ECONOMIQUE. Par NICOLAS MOINET
LE RETOUR DES NATIONS... ET DE L’EUROPE ?
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GEOPOLITIQUE DE LA PROTECTION SOCIALE. Julien DAMON
L’ACTUALITE DE KARL POLANYI. Par Nadjib ABDELKADER
« LE MONDE D’AUJOURD’HUI ET LE MONDE D’APRES ». Extraits de JEAN FOURASTIE
VERS UNE CONCEPTION RENOUVELÉE DU BIEN COMMUN. Par F. FLAHAULT
« POUR TIRER LES LEÇONS DE LA CRISE, IL NOUS FAUT PRODUIRE MOINS ET MIEUX ». Par Th. SCHAUDER
AVEUGLEMENTS STRATEGIQUES et RESILIENCE
LE CAPITALISME et ses RYTHMES, QUATRE SIECLES EN PERSPECTIVE. Par Pierre Dockès
NATION et REPUBLIQUE, ALLERS-RETOURS. Par Gil DELANNOI
L’INDIVIDU MONDIALISE. Du local au global
LE DEFI DE L’INTELLIGENCE ECONOMIQUE par N. Moinet
De la MONDIALISATION « heureuse » à la MONDIALISATION « chute des masques »
Lectures GEOPOLITIQUES et GEOECONOMIQUES
QUAND le SUD REINVENTE le MONDE. Par Bertrand BADIE
L’ETAT-NATION N’EST NI UN BIEN NI UN MAL EN SOI". Par Gil Delannoi
LA MONDIALISATION et LA SOUVERAINETE sont-elles CONTRADICTOIRES ?
SOLIDARITE STRATEGIQUE et POLITIQUES D’ETAT. Par C. Harbulot et D. Julienne
La gouvernance mondiale existe déjà… UN DIALOGUE CRITIQUE AVEC B. BADIE
LA LITTERATURE FAIT-ELLE DE LA GEOPOLITIQUE ?
PENSER LA GUERRE AVEC CLAUSEWITZ ?
L’expression GUERRE ECONOMIQUE est-elle satisfaisante ?
LA GEOPOLITIQUE et ses DERIVES
A propos d´un billet de Thomas Piketty
Conférence de Bertrand Badie : Les embarras de la puissance (9 février 2014)
DE LA FRAGMENTATION À L’INSTALLATION D’UN « DÉSORDRE » MONDIAL (II)
UNE SECONDE « GUERRE FROIDE » ?
mardi 5 septembre 2023 Philippe MOCELLIN, Philippe MOTTET
Allons-nous vers un « rideau de fer déplacé beaucoup plus à l’Est » ? Après avoir démontré que « le monde ordonné et pacifique n’existe pas », Philippe Mocellin et Philippe Mottet, s’inscrivent avec cette deuxième partie, dans une approche plus prospective en dégageant les hypertendances. Le rejet de l’ordre international occidental et le chaos multipolaire font ressurgir une question lancinante : « Huntington aurait-il finalement raison ? » Avec l’idée d’un ordre international, précisément fondé sur la défense des civilisations …. . Argumentant sur le possible devenir de notre monde à l’horizon 2040, un rapport de la CIA (publié en 2021) a tenté de répondre à ces questionnements, par la mise en évidence des défis dominants et l’ensemble des forces structurelles en mouvement.
En suivant le propos de l’approche réaliste des auteurs basée sur le tragique de l’histoire, on ne peut s’empêcher d’insister sur certaines dimensions inquiétantes et anxiogènes conférant une originalité particulière à ce nouveau cycle. Citons en particulier la réduction de « la distance » par les nouvelles technologies (Internet, I.A), le retour de la « notion d’espace vital » comme dynamique de pays majeurs (Chine, Russie), et peut-être même le changement en cours de la doctrine de la dissuasion nucléaire. P.L
UNE SECONDE « GUERRE FROIDE » ?
Plus globalement, compte-tenu de la durée supposée du conflit sur le sol européen et de ses conséquences visibles et immédiates, cet affrontement est appelé à déboucher sur une recomposition des relations internationales, faisant apparaître les contours d’une seconde « guerre froide »… Cette nouvelle confrontation repose alors sur un équilibre des forces en Europe et sur cette fameuse dissuasion « américano- russe », pourvue, à la lumière de l’analyse du chercheur russe Dmitri Trenin, d’un « rideau de fer déplacé beaucoup plus à l’Est ». A partir de ce constat, celui-ci en appelle d’ailleurs « à accepter la réalité de l’impasse d’un continent divisé, alors que l’Ukraine, qui a échoué à incarner un rôle de tampon entre la Russie et l’Ouest, aura perdu une partie de son territoire et de sa population ».…
Dominique Moïsi, conseiller spécial de l’Institut Montaigne, s’est aventuré dans l’analyse de cette nouvelle configuration géopolitique, en démontrant, qu’au-delà de la « guerre » économique persistante entre la Chine et les Etats-Unis, notre monde évoluerait et peut-être de façon durable, vers une « confrontation entre un Sud élargi, dont la définition est de moins en moins économique et un Ouest rétréci, dont la définition est de moins en moins géographique ». Il en est fini alors de cette distinction en quatre points cardinaux (Est-Ouest/Nord-Sud), coupant le monde en deux, au nom d’idéologies distinctes mais aussi, entre les « riches et les pauvres… ». A ce jour, les très riches existent également au Sud, à l’instar du Qatar…, et alors que d’autres pays, appartenant bien à la « sphère » de l’Ouest, ne sont pas pour autant de « culture » occidentale, comme le Japon ou la Corée du sud [1] et auxquels s’ajoutent d’ailleurs l’Australie et la Nouvelle-Zélande dans le Pacifique.
S’installent en ces temps troublés, par l’entremise de cette invasion brutale en Ukraine, une division évidente entre la Russie de Vladimir Poutine - accompagnée, notamment, de la Chine et de l’Iran - et les pays du « camp » occidental, couplé à un divorce dit « émotionnel » [2] entre les occidentaux eux-mêmes et le monde du « Sud global ».
Si comme nous l’avons mentionné, les pays du Sud, englobant, pêle-mêle, des pays africains, du Moyen-Orient et d’Amérique latine, sont plutôt satisfaits d’être entendus et « aidés » par la « grande » Russie - de surcroît, très peu regardante sur la nature de leurs propres régimes politiques - il s’avère indispensable de noter que ce divorce observé entre l’occident et ce « Sud global » renvoie aussi des motifs plus profonds, à la fois historiques et culturels.
D’un côté, le Sud juge l’occident, en dénonçant un certain décalage entre son discours universaliste, volontiers « donneur de leçon » et la « realpolitik » pratiquée au quotidien [3]. Et de l’autre, l’occident se trouve - en dépit d’arguments qu’il conviendrait de faire valoir sans doute - dans l’obligation « d’en rabattre » sur ses propres ambitions à l’égard d’un monde qui lui échappe et de mieux écouter, dans le même temps, la voix contestataire des peuples qui s’exprime en son sein.
Cette seconde « guerre froide », a ceci de spécifique, qu’elle souffle dans le contexte d’une guerre « chaude » en cours et qu’à la différence du passé, où les sphères de domination respectives étaient pour ainsi dire acquises [4], l’OTAN refuse, par principe, de reconnaître l’installation d’une zone d’influence russe, par l’emploi de la force.
Cette nouvelle ère de confrontation met surtout fin à la trentaine d’années qui suivirent la fin de la première « guerre froide », période marquée par le développement de cette « multipolarité coopérative », selon l’expression utilisée par les spécialistes canadiens, Renéo Lukic et Jean-Thomas Nicole [5].
Alors que dès 2014, l’Ukraine, au travers de la « révolution citoyenne » de Maïdan, avait choisi de rejoindre le camp « euro-atlantique », au détriment du pouvoir d’oligarques, dits « inspirés » par la Russie, Vladimir Poutine rejette, d’une certaine manière, par le biais de cette invasion, l’héritage de Gorbatchev et de sa politique étrangère.
Il ne s’agit pas ici d’opposer pour nous, benoîtement et naïvement « le camp » du bien : celui des Etats-Unis, toujours soucieux, au demeurant, de défendre d’abord ses intérêts politiques et économiques ; et celui du « mal » : la Russie, certes responsable d’une agression militaire mais qui agit aussi en fonction de critères géopolitiques qu’elle estime légitimes.
En tout état de cause, établissons le constat, froid et réaliste, que Vladimir Poutine tente, en ces circonstances historiques particulières et à l’aune d’une « grandeur russe » regrettée, de « refaçonner » le monde, en cherchant, y compris par la confrontation guerrière, à imposer un agenda, ses vues et ses conceptions en matière de gouvernance mondiale.
La fin de la mondialisation « heureuse »
Dans son dernier ouvrage, Nicolas Baverez [6] considère que cette nouvelle phase géopolitique, dominée par la conflictualité et la violence, sonne la fin, non pas de l’histoire mais bien de cette « mondialisation heureuse », si tant est que celle-ci ait vraiment existé…. Selon cet auteur, ce monde, reconfiguré autour de « blocs politiques, commerciaux et monétaires », a fait littéralement imploser le modèle de la mondialisation libérale, ayant montré d’ailleurs, dès 2008, d’importants signes de faiblesses.
Au début du XXIe siècle, les « mondialisateurs » de toute obédience ont refusé de voir que cette évolution de la mondialisation s’était finalement construite contre les peuples [7] et alors que prospéraient d’importantes forces « centrifuges », sur fond de renaissance de l’intégrisme religieux, porteur de divisions profondes et durables. Se sont ajoutées, à cette inexorable dégradation, les crises aigües de l’interdépendance ayant surgi au moment de la pandémie du COVID 19 et encore plus récemment au moment de l’éclatement du conflit russo-ukrainien ; « l’Europe vis-à-vis du gaz russe, à l’égard de la Chine pour la santé ou des Etats-Unis pour la technologie et la sécurité… » [8].
Dès lors, dans ce nouveau contexte géopolitique mondial, les Etats et les empires sont de retour, menaçant, selon le prisme dominant de Nicolas Baverez, la liberté politique et la démocratie…
Il fait cependant observer que si l’occident, dans un contexte de dérégulation financière et de désarmement, « a perdu le contrôle de l’ordre mondial », les empires autoritaires demeurent, quant à eux, bien plus que fragiles qu’il n’y paraît et ne sont donc pas « invincibles ». La Chine connaît un ralentissement économique inquiétant, le pouvoir des mollahs en Iran est confronté à une forte opposition politique [9] et la puissante armée Russe n’est peut-être pas, selon divers experts, aussi « vaillante » que le laissait croire le Kremlin en 2022…
Dès lors, la défense de la liberté politique se doit d’être le fil rouge de cette « stratégie d’endiguement des empires autoritaires et pour traiter les pathologies de nos démocraties (sic !) ».
Si le sociologue Mathieu Bock-Côté [10] ne conteste pas fondamentalement ce constat global, celui-ci insiste néanmoins sur trois idées-forces, à savoir :
- l’impossibilité d’homogénéiser, parce que « contraire à la nature humaine », toute l’humanité, les cultures et les civilisations autour de valeurs complètement partagées, en l’occurrence, celles portées par la démocratie libérale et l’économie de marché,
- le constat que les civilisations ne véhiculent jamais des formes de pensée uniformes et alors que la civilisation occidentale est elle-même traversée par une ligne de clivage idéologique, « entre les défenseurs de l’Etat-Nation démocratique libéral et les porteurs d’une vision davantage multiculturelle, promouvant une gouvernance globale »,
- enfin, l’Union européenne ne serait-elle pas devenue (à son corps défendant peut-être), « un espèce d’empire autoritaire post-occidental (…) qui (…) se déploie à un travers un dispositif institutionnel et juridique qui neutralise la souveraineté des nations (…) » [11] ?
Si nos deux observateurs voient « juste » à bien des égards, gardons-nous cependant de tout réflexe manichéiste, tant la complexité du monde contraint à l’humilité.
En attendant, l’avenir immédiat de la géopolitique mondiale dépendra forcément, pour partie au moins, des conclusions de la guerre, tel que déclarée sur le sol européen en février 2022. En la matière, la Chine, aspirant à devenir la première puissance mondiale dominatrice, apparaît comme le pays « pivot » et fait l’objet de toutes les attentions, de la part de la Russie mais aussi des occidentaux.
L’incontournable « Empire du Milieu »
Selon le monde des affaires (d’ailleurs plus préoccupés par les réactions des banques centrales qui décident de la remontée des taux d’intérêt que par les effets géopolitiques immédiats du conflit), la sortie de la guerre en Europe ne pourrait venir que de la Chine, seule puissance en capacité, à ce jour, d’exercer une réelle « pression » politique sur le Kremlin.
Dès la fin de l’année 2022, Xi Jinping et Vladimir Poutine communiquaient « diplomatiquement » sur un possible renforcement de leur coopération….
Si le dirigeant du Kremlin insiste sur la nécessaire collaboration entre les forces armées russes et chinoises (à l’instar des manœuvres militaires conjointes, menées en Mer de Chine), Xi Jinping s’attarde davantage sur la mise en œuvre d’une coordination stratégique, dans le domaine économique, énergétique, financier et agricole, pour apporter, dit-il, « plus de bénéfices aux deux peuples et injecter plus de stabilité dans le monde ».
Le pouvoir chinois résume sa position officielle, en appelant, plus globalement, « à travailler avec la Russie et toutes les forces progressistes dans le monde qui se dressent contre l’hégémonisme et la politique de puissance, pour s’opposer conjointement à l’unilatéralisme, au protectionnisme et à l’intimidation (…) ».
Si tout est dit ou presque, il n’est donc pas exclu que la Chine agisse pour faciliter une négociation de paix, ne serait-ce que pour faire taire précisément le « désordre » économique ambiant.
« L’Empire du Milieu » a besoin de commercer avec l’occident et le monde entier, dans le but d’alimenter, nous l’avons souligné, sa croissance économique, indispensable au maintien de son équilibre social et politique [12] .
Cette hypothèse géopolitique envisageable ne nous renseigne pas pour autant sur l’évolution du régime russe, « post-Poutine » [13] et encore moins sur la gouvernance chinoise, qui pourrait, face à la demande de changement de la société civile, « lâcher du lest » dans les 20 ou 30 ans à venir….
La Chine a été aussi un sujet de discussion lors du sommet du G7 à Hiroshima en mai 2023, où les Etats-Unis et l’Europe se seraient, en apparence, entendus pour « contenir » les ambitions de Xi Jinping, notamment en matière d’investissement dans les technologies sensibles.
Si les « faucons » d’Amérique du Nord préconisent plus d’agressivité à l’égard de la Chine, l’Union européenne semble plus mesurée, d’abord désireuse de réduire sa dépendance économique. A cet égard, l’Europe, malgré des divergences d’appréciation au sein des 27, possède trois bonnes raisons de ne pas « emboîter le pas » des Etats-Unis dans ses relations conflictuelles avec la Chine.
« L’empire du Milieu » constitue d’abord pour le vieux continent un « moteur de croissance » et un grand marché commercial qu’il convient donc d’entretenir. Et alors que cette nouvelle puissance a su, en effet, frayer son chemin dans la mondialisation, en devenant un partenaire incontournable, ne serait-ce qu’au travers du lancement, en 2015, de son plan gigantesque des « routes de la soie » (On Road, One Belt).
Les européens, conscients que l’administration américaine défend en premier lieu ses intérêts économiques, pourraient par ailleurs ne tirer aucun bénéfice d’une implication en Extrême-Orient, que ce soit à Taiwan ou en Mer de Chine, qui risquerait alors de générer un conflit géopolitique majeur et inutile avec la Chine. Enfin, l’Europe témoigne de sa volonté de formuler, dans le domaine de l’intelligence artificielle (IA) par exemple, ses propres règles et donc de se démarquer des Etats-Unis, dominants dans ce secteur et avant tout « obnubilés » par la mise en œuvre d’un « blocus » contre la Chine.
Pour sûr, la Chine sera au cœur des scénarios géopolitiques et des perspectives d’évolution dans la gestion des relations internationales de demain.
L’installation d’un « désordre » mondial
Et si notre monde, de plus en plus fragmenté et confronté à des menaces sans frontières s’installait dans un « désordre » durable [14] ?
Le rapport de la CIA, publié en 2021, a tenté de répondre à ce questionnement, argumentant sur le possible devenir de notre monde à l’horizon 2040, au travers de la mise en évidence des défis dominants et de l’ensemble des forces structurelles en mouvement.
Et en insistant, par ailleurs, sur les dynamiques en cours : d’abord dans nos sociétés, de plus en plus fracturées ; ensuite, au sein des Etats, confrontés à l’instabilité politique ; et enfin dans le domaine des relations internationales, minées par l’éclatement des sources de décision et la rivalité déclarée entre une multiplicité d’acteurs [15].
Si cette clé de lecture globale du monde - à réinterroger sans cesse - ne suffit pas en elle-même, celle-ci incite, à n’en pas douter un seul instant, les organisations étatiques et les représentants des institutions internationales, à faire preuve, comme le souligne le dit rapport, « d’adaptation », assortie d’une dose de résilience [16]...
A défaut de pouvoir changer le cours de l’histoire à notre guise (même si celui-ci n’est pas écrit), force est donc de convenir de la nécessité de « vivre » avec le désordre ambiant.
Retenons alors, parmi bien d’autres paramètres particulièrement anxiogènes (constituant le « socle » de ce désordre) [17], deux éléments particulièrement structurants.
En premier lieu, la démographie [18] et son lot de handicaps pour la croissance économique et génératrice de conflits, du fait de l’augmentation des migrations mondiales.
Si la plupart des économies développées se heurteront au ralentissement, déjà amorcé, de leur croissance démographique et au vieillissement en parallèle, de leur population (la tranche des 65 ans et plus pourrait s’approcher des 25% de la population d’ici 2040, contre 15% en 2010), non sans effet sur leur propre dynamique économique, les pays les plus pauvres d’Afrique subsaharienne et d’Asie du sud seront, tout au contraire, à l’origine de l’augmentation de la population mondiale et confrontés, par ailleurs, à une urbanisation galopante et à des insuffisances tant en matière d’infrastructures de services que dans le domaine éducatif [19] .
Ainsi, ces importants changements démographiques, associés à divers intérêts économiques contradictoires, renforceront alors la pression migratoire des continents en développement, en direction des pays les plus riches, alors source de profondes perturbations sociales et politiques….
Fort à parier que les mouvements transfrontaliers devraient en effet encore s’accroître dans les années à venir (en 2020, 270 millions de personnes vivaient dans un pays vers lequel elles ont émigré, soient 100 millions de plus qu’en 2000) [20], nécessitant alors, au regard de capacités d’accueil de plus en plus limitées au sein des pays de destination, la mise en œuvre de politiques régulatrices assumées.
Sans revenir ici sur ce qui motive et alimente l’immigration venant des continents les plus déshérités et sur la manière dont les pays développés gèrent, en fonction de leur environnement économique et de leur modèle social, l’ensemble de ces flux de population, il apparaît plus qu’évident que les débats, autour du volume de migration à accepter, se poursuivront et s’intensifieront à l’échelle internationale [21], notamment, au sein même de l’Union européenne et entre celle-ci et les pays d’émigration (Afrique, pays du Maghreb….) [22].
Dans ce contexte, le même rapport souligne, plus globalement, la possible mise « sous tension » des identités nationales, alimentée par la montée de contestations communautaires et par les peurs légitimes que celle-ci engendre. Que ce soit :
- au sein de certains régimes autoritaires et où la pauvreté gagne du terrain, à l’image de la Birmanie, connaissant un renforcement du nationalisme bouddhiste,
- la manière dont certains gouvernements utilisent les thèmes religieux et ethniques dans d’autres pays pour mobiliser des soutiens en faveur leur propre politique étrangère (voir ainsi comment l’Inde exporte le nationalisme indou, la Turquie attise les revendications de sa diaspora en Europe ou la Russie, venant volontiers en appui des minorités orthodoxes en dehors du pays),
- enfin, en Europe, où les peuples, confrontés à une « insécurité culturelle et économique », elle-même accrue par l’ampleur des migrations, témoignent d’un fort sentiment de défiance vis-à-vis de leurs élites politiques [23].
En second lieu, les avancées technologiques [24], à l’origine de changements touchant à la structure des emplois, au rapport au pouvoir et aux modes de conflictualité.
Le paysage technologique mondial est en mutation inexorable et constante et ceci au travers de différentes évolutions, à savoir :
- la « convergence de la recherche scientifique » conduisant à un développement rapide de nouvelles applications (l’exemple du smartphone illustre parfaitement ce phénomène et il en sera, certainement, de même pour l’IA, la robotique et les biotechnologies…) [25],
- l’exacerbation, dans le même temps, des concurrences entraînant rivalités et volonté d’accumuler les ressources pour maintenir son leadership (supposant d’associer efforts privés et investissements publics),
- des Etats impliqués dans la diffusion massive des techniques afin d’en accélérer et d’en exploiter le potentiel.
L’apparition de nouvelles technologies, utilisées de plus en plus rapidement, modifieront tout à la fois, les modes de production, la communication et les conditions d’exercice de la démocratie. Paradoxalement, la connectivité pousse à la division et à la fragmentation, tout en rendant les économies interdépendantes dans des domaines divers que sont les finances, la santé, la construction…. Si l’« Internet des objets » représentait, en 2018, 10 milliards d’appareil, il pourrait en recouvrir plusieurs trillions d’ici 2040, tous « interconnectés en temps réel » [26] et donc appelés à faciliter quelques avancées en matière de niveau de vie. Dans ce contexte, la technologie deviendra d’abord un avantage comparatif pour gagner en productivité et développer de nouveaux services à la population. A l’évidence, les technologies (l’IA tout particulièrement) seront inégalement réparties entre les Etats et les continents, alimentant, de fait, conflits de toute nature, terrorisme et guerre d’espionnage en tout genre…
La technologie n’est pas non plus sans incidence sur la façon de « faire la guerre »
Entre les images connues de la première guerre mondiale (soldats quittant les tranchées pour partir à l’assaut) et celles des conflits récents, en Irak ou Afghanistan, le contraste est plus que saisissant : dominent aujourd’hui les cibles à atteindre sur écran numérique, l’utilisation de drones, volant à plus de 6 000 mètres d’altitude, robots télécommandés, cyberespace, réseaux informatiques et même soldats au sol, pourvus d’équipements sophistiqués de communication….
Toutes ces technologies élargissent ainsi l’éventail des instruments de coercition des Etats ou des coalitions, tout en évitant les « classiques » conflits armés, toujours très coûteux économiquement et humainement. « En résulterait une distinction encore plus floue entre une vive concurrence interétatique et une guerre directe » [27] .
Peut-on alors parler d’une simple amélioration des armements ou d’une transformation profonde dans la manière de concevoir un conflit militaire ? Mesurera-t-on la suprématie d’un pays à la possession de ces technologies ?
En écho à ces questionnements, une quasi-certitude : nous serions rentrés dans une ère inédite de la guerre, fondée sur une doctrine renouvelée qui laissera une place importante à l’IA, organisant ainsi la connexion entre le soldat et les machines.
Néanmoins, force est admettre que le conflit russo-ukrainien consacre une certaine évolution plus complexe en ce domaine, en mêlant, au travers d’une « guerre hybride », l’utilisation des armes de haute technologie du XXIe siècle et celles du XXe siècle. Comme le précise d’ailleurs l’historien Michel Goya [28], cette guerre « rappelle les carnages du XXe siècle ». En effet, après une première entame au cours de laquelle l’armée russe a pu déployer, sous l’effet de surprise, sa propre puissance technologique, le conflit s’est ensuite « stabilisé sur un front rigide, à la manière des combats en Belgique et en France en 1914 ».
Il n’en demeure pas moins que la technologie fait apparaître, depuis quelques années, de nouvelles menaces avérées : cyberterrorisme, piratage des systèmes informatiques, attaques de drones menées par des forces « non officielles ».
A ce propos, le terrorisme, sous toutes ses formes, devrait malheureusement continuer à prospérer à l’avenir, profitant d’ailleurs de la fragmentation des sociétés et de la faiblesse de certains gouvernements. Les groupes djihadistes pourraient, encore une fois, représenter le danger le plus important, bénéficiant d’organisations structurées et « en capacité d’exploiter de vastes territoires non ou mal gouvernés, notamment en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie du Sud » [29].
Si la plupart des attaques terroristes utiliseront encore des moyens simples (principe même de la guerre dite « asymétrique »), à l’instar des explosifs, il est possible d’imaginer, que dans les vingt ans à venir, ces groupes violents sauront aussi en mesure de s’appuyer sur l’IA et la connectivité des objets, afin de multiplier les « cyberattaques » (à distance et bien au-delà des frontières). Ceux-ci tenteront également de se procurer des armes de destruction massive, par l’intermédiaire des drones ou de véhicules autonomes, guidés grâce aux techniques de l’IA.
En réponse, les gouvernements seront dans l’obligation de renforcer leur système de protection et de surveillance, notamment des données, en s’appuyant sur les possibilités qu’offre la technologie en matière de stockage, de tri et d’analyse. Il conviendra aussi de progresser dans l’emploi de l’identification biométrique et la compilation de métadonnées, afin de garantir un meilleur repérage des foyers terroristes dans différentes parties du monde et d’envisager des frappes de précision à longue portée.
Il est à noter que le développement de la concurrence entre grandes puissances (entre les Etats-Unis et la Chine, plus particulièrement) pourrait nuire à la mise en place de partenariats efficaces dans la lutte contre le terrorisme. D’autres pays, plus pauvres, seront également limités dans le combat qu’ils mènent sur leur propre territoire, faute d’une assistance internationale et donc tentés de passer des compromis dangereux, « en laissant ces forces s’organiser librement » [30].
Et que dire de la maîtrise et de la diffusion des armements liés à la technologie nucléaire ? Nous savons que de nombreux pays, en dehors de ceux disposant de forces de dissuasion [31] (améliorant d’ailleurs leurs propres armes en ce domaine), poursuivent des programmes de recherche et tentent de se doter d’un arsenal nucléaire opérationnel. Il est d’ailleurs fort possible d’imaginer que le nucléaire soit utilisé, plus systématiquement, dans le cadre de conflits « régionaux » (non dans un but de déflagration générale mais plutôt par un recours plus circonscrit).
Les tendances du monde
A la lumière de tous ces constats, les services américains de renseignement ont tenté d’imaginer le monde à l’horizon 2040, à partir de l’élaboration de scénarios contrastés et distincts, constituant autant de « futurs possibles » [32]. Le rapport expose alors, sans faire état d’une préférence, cinq « voies » d’avenir différentes et de portée générale, reflet de défis partagés et de thèmes majeurs identifiés [33]. Les trois premiers se structurent autour de la rivalité entre les grandes puissances, selon différentes configurations. Les deux autres évoquent des alternatives plus radicales.
Ainsi, rappelons, très brièvement, la teneur de ces « prévisions », certes, antérieures au conflit russo-ukrainien mais néanmoins utiles au débat :
- un premier scénario, évoquant la « renaissance possible des démocraties », ayant bénéficié, au cours des deux décennies précédentes, d’une croissance économique forte et d’un développement de la recherche scientifique et technologique (les Etats-Unis en assurent le leadership du monde et alors que les régimes politiques de la Chine et la Russie seraient en grande difficulté) [34],
- un second scénario, consacrant un « monde à la dérive » (famines, contestations et fortes migrations…), dans lequel la Chine serait devenue de plus en plus agressive, notamment en Asie, alors que l’absence de règles de coopération profitent d’abord aux terroristes et aux criminels et même si cependant, certains Etats et ONG parviennent à expérimenter de nouvelles solutions en matière de développement durable,
- un troisième scénario, fondée sur une « coexistence compétitive » entre la Chine et les Etats-Unis, ayant décidé nouer des relations commerciales étroites, en dépit du maintien d’une forte concurrence en termes d’influence politique (« soft power ») et dans le domaine technologique,
- d’un quatrième scénario dans lequel le monde se construirait en « silos séparés » ou blocs distincts, dont les plus importants sont la Chine, les Etats-Unis, la Russie et l’Union européenne, autant d’entités rivales qui, par leur comportement, pourrait alors briser les chaînes d’approvisionnement et fragiliser très fortement l’économie mondiale (sur fond de conflits autour de la possession des ressources rares),
- et enfin d’un cinquième scénario, intitulé « tragédie et mobilisation », décrivant, face à une menace existentielle avérée (hausse des températures et acidité des océans), un mouvement social qui transforme la coopération multilatérale et influence la compétition pour le pouvoir entre les différents Etats, réorientée vers la résolution des défis les plus urgents (dans ce contexte, le monde s’organiserait alors autour d’une coalition associant la Chine et l’Union européenne).
Au-delà de ces probabilités (jugées, par Goeffrey Delcroix, assez « conventionnelles ») [35] et parce que les conditions de sortie du conflit russo-ukrainien pourraient encore modifier le cours des événements, ne devons-nous pas en rester à des hypothèses [36] ?
En l’occurrence, affirmer que le monde sera de plus en plus contesté, engendrant crises multiples, instabilité et volatilité géopolitique, relève à ce jour d’une quasi-évidence.
Néanmoins, à la lumière de ce qui apparaît comme évident, des « hypertendances » [37] sont désormais perceptibles. Retenons, par simple énumération, quelques-unes d’entre elles (soient quatre au total) :
1. La persistance d’une forte concurrence entre pays, continents et civilisations, cristallise, depuis plusieurs années déjà, les rapports de force, au risque d’accroître les divisions au sein des institutions multilatérales (en attestant que cette notion dite de « communauté internationale », sans cesse évoquée par les médias « mainstream », demeure à l’état de concept). Il est donc envisageable, dans ce contexte, que la Russie et la Chine poursuivent leur offensive contre un « ordre » modelé par les normes occidentales [38], en plaidant alors, en faveur de leur propre territoire et leur « sphère d’influence », pour des modèles différents tant en ce qui concerne le rôle de l’Etat qu’en matière de droit de l’homme. Ainsi, sur fond de compétition économique et idéologique, le leadership occidental au sein des instances mondiales devrait s’amoindrir encore un peu plus et l’inefficacité de celles-ci pousseront les pays émergents et du « Sud global » (représentant plus de la moitié du PIB mondial) à se tourner vers d’autres formes de coopération (à l’instar des BRICS, du G5 Sahel et de d’autres accords régionaux intéressant l’Asie du Sud-Est et l’Amérique Latine) [39]
2. Le libre-échange et la mondialisation « à l’américaine », tels que développés depuis le début des années 1990 sont aujourd’hui remis en question. En niant, par aveuglement ou par conviction, les réalités identitaires, les conséquences sociales et les risques écologiques, les « mondialisateurs » ont fait courir à sa perte une certaine forme de mondialisation « sans limites », alliant interdépendances, chaînes de production disséminées, destruction d’usines (en Europe) et hyper-consumérisme compulsif, alourdissant considérablement les « bilans carbone ». Sous la pression des opinions publiques, mêlant des prises de positions diverses et parfois très opposés sur un plan idéologique (scientifiques, anciens tiers-mondistes, patriotes, souverainistes, altermondialistes…) et après une crise sanitaire inédite, suivie d’une guerre sur le sol européen, de nouvelles orientations sont annoncées, notamment en Europe, brisant le dogme dominant : souveraineté, relocalisation d’activités stratégiques, protectionnisme…(considérée pourtant, pendant des décennies, comme une pensée arriérée et rétrograde !). Le monde n’est plus tout à fait « comme avant » et la « magie s’est éteinte » [40]. Néanmoins, si les grands dirigeants de la planète n’enterrent pas définitivement la mondialisation mais cherchent plutôt à l’adapter [41], les réels effets du conflit russo-ukrainien sur l’évolution de « l’ordre » économique mondial sont encore à découvrir.
3. L’idée de ressources naturelles « infinies », défendue par la génération d’après-guerre-froide a été, par étapes successives, « battue en brèche ». Les alertes en ce domaine se sont en effet multipliées sous différentes formes : prévisions du Club de Rome en 1972 en matière d’épuisement des matières premières, exposés scientifiques sur les pollutions des écosystèmes, débat autour du « pic pétrolier », annonces des risques encourus par les émissions gaz à effet de serre, conférence de Rio, l’installation du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) et organisation des COP (Conférences des Parties), grands rendez-vous médiatiques internationaux, censés orienter les Etats dans la voie de l’économie « décarbonée »…. Et pourtant, la question posée, est moins la fin annoncée des ressources disponibles [42] que celle concernant leur mode d’utilisation, à l’origine de la dégradation environnementale constatée. Si, « produire autrement, répartir mieux et préserver l’avenir », apparaît comme un triptyque consensuel, celui-ci cache des lectures très antagonistes. Aux partisans de la décroissance et de l’écologie punitive, il est possible d’opposer une croissance plus raisonnée, faisant davantage confiance aux avancées technologiques et alors que le « Sud global », bien que fortement concerné, dans certaines zones géographiques par le changement climatique, craint que leur propre développement soit bridé, au nom d’impératifs, d’abord définis par les pays les plus riches. Si les moyens à mettre en œuvre dans un avenir proche, pour changer la « trajectoire » demanderont d’importants efforts financiers, d’investissements et de l’imagination, n’occultons pas le fait que pour certaines populations, la préoccupation essentielle demeure encore « celle de la survie » ou du « comment finir le mois »...
4. Le besoin de repenser la gouvernance mondiale s’impose plus que jamais et même si nous pouvons toujours, comme le fait observer Hubert Védrine, « nous bercer d’illusions, espérer que les rapports de force appartiennent au passé, cela fut longtemps la croyance des Européens modernes, gentils bisounours perdus dans Jurassic Park » [43]. L’enjeu, qui n’est pas très nouveau, serait de parvenir - enfin ! - à réformer, dans un contexte de forte concurrence et parmi bien d’autres pistes à explorer, la composition du conseil de sécurité des Nations Unies, le FMI et la Banque Mondiale, le fonctionnement du G7 et du G 20…. Vouloir élaborer, à très court terme, un nouvel accord global sur tous ces sujets, semble peine perdue, tout comme d’ailleurs, s’imaginer pouvoir reconstruire, dans un esprit de total consensus, un système multilatéral parfaitement viable. Plus encore, selon le diagnostic posé par François d’Alançon, « soixante-quinze ans après la création de l’ONU, l’effort collectif des Etats, des organisations internationales et des acteurs non étatiques, pour faire face aux défis transnationaux, s’est transformé en un patchwork d’institutions formelles et informelles » [44] . L’heure serait plutôt à des coalitions d’Etats, porteurs d’initiatives et en capacité d’entraîner d’autres acteurs (industriels, réseaux de ville…) afin de formuler des réponses « internationales ». Il n’en demeure pas moins que toute réforme de la gouvernance mondiale renvoie à la question centrale du leadership politique, à la hiérarchie des puissances [45] et à la manière de concilier, dans les meilleures conditions, respect de la souveraineté des Etats et universalisme….
A ce stade et en guise de conclusion, nous en resterons, alors que l’actuel conflit russo-ukrainien n’a pas encore trouvé d’issue politique et diplomatique, à des suppositions. Plutôt que de croire en un nouvel « ordre » imaginaire, nous préférons parier, en toute modestie, sur l’installation, certes, d’une nouvelle configuration géopolitique mais qui ne mettra pas fin pour autant :
- à ce « face à face » glaçant « Russie-OTAN » et plus globalement, entre les partenaires transatlantiques, parties prenantes dans cette guerre et le reste des puissances « non occidentales », totalement déterminées et convaincues de leur bon droit
- à cette compétition, désormais largement engagée, entre la Chine et les Etats-Unis et à cette course effrénée à la domination mondiale,
- à la méfiance des pays du « Sud global », à l’égard d’un « ordre » international libéral, en perte de vitesse et qu’ils jugent dominé et phagocyté par la sphère de l’Ouest,
- aux dangers de prolifération nucléaire et d’emploi d’armes de destruction massives, aujourd’hui détenues ou en phase d’être acquises par des pays, potentiellement belligérants ou par des groupes terroristes, décidés à en découdre.
Reste à savoir quelles leçons saurons-nous tirer de ce conflit concernant l’avenir de la sécurité en Europe et quel rôle l’Union européenne souhaitera ou pourra réellement assumer dans le concert de la gouvernance mondiale et, précisément, dans la reconstruction nécessaire de « ce lien de confiance » [46] avec les pays du Sud et un ensemble de puissances moyennes qui n’ont de cesse de s’affirmer.
Philippe Mocellin et Philippe Mottet, le 17 septembre 2023
Mots-clés
Biens publics mondiauxgéopolitique
crise
économie et histoire
géoéconomie
Amérique Latine
« mondialisation heureuse et froide »
mondialisation
puissance
humiliation
Industrie
guerre économique
gouvernance
régionalisation
Relations internationales
sécurité et liberté
souveraineté
Afrique
Asie
Chine
Etats-Unis
Europe
Inde
Russie
Notes
[1] Les Etats-Unis manifestant l’intérêt de faire vivre, au grand dam de la Chine, cette « coopération trilatérale » renforcée avec le Japon et la Corée du Sud
[2] Cf. Dominique Moïsi, Ouest-France.fr, 30 décembre 2022
[3] Cf. à ce sujet l’ouvrage récent, dirigé par l’ancien ambassadeur, Michel Duclos, Guerre en Ukraine et nouvel ordre du monde, Editions de l’Observatoire, 2023 insistant sur le fait qu’il existe entre ces pays du « Sud global », un trait commun, celui d’un « ressentiment à l’égard de l’occident » et qu’au-delà du divorce Ouest-Sud, le point le plus important « réside dans l’éloignement de beaucoup de ces pays à l’égard des principes fondamentaux de la Charte des Nations-Unies ». Il est également indiqué que la guerre russo-ukrainienne a permis à certains de ces Etats du Sud (Turquie, Arabie Saoudite, Inde…) de se « désinhiber et d’acquérir une capacité d’influence politique ».
[4] C’est bien sur cette base que se fondait la dissuasion nucléaire, expliquant d’ailleurs la passivité de l’OTAN lors de l’invasion de la Hongrie (en1956) et de la Tchécoslovaquie (en 1968) par l’Union Soviétique.
[5] Cf. ledevoir.com/opinion/idées, 14 octobre 2022
[6] Nicolas Baverez, Démocraties contre empires autoritaires, L’Observatoire, 2023 et cf. également Nicolas Baverez et Mathieu Bock-Côté, Comment sauver la démocratie libérale ? Le Figaro Magazine, 14 avril 2023
[7] Cf. Philippe Mocellin, Philippe Mottet, op. cit., 2020
[8] Nicolas Baverez, op. cit., 2023
[9] Après avoir brutalement contrecarré le soulèvement contre le port du voile obligatoire, le pouvoir iranien « a lancé une vaste offensive diplomatique vers l’Est mais aussi en direction de l’occident afin de retrouver ce qu’il estime être sa juste place dans le concert des nations ». Cf. Le Monde, 18 juillet 2023 soulignant que si « l’Iran partage avec Moscou et Pékin la volonté de construire un « nouvel ordre mondial », le pays entreprend, en parallèle, des démarches de normalisation de ses relations avec l’Arabie Saoudite et amorce également une reprise de dialogue avec les Etats-Unis.
[10] Mathieu Bock-Côté, La Révolution racialiste et autres virus idéologiques, Presse de la Cité, 2023
[11] Et qui, ajoute-t-il, « menace les peuples de les punir lorsqu’ils votent mal ». Mathieu Bock-Côté reproche alors à l’Europe actuelle de défendre un « régime diversitaire (..) qui traite sa population comme un élément réfractaire, que l’on doit perpétuellement rééduquer (…) ».
[12] La Chine est tombée, selon les experts, en déflation et a d’ailleurs décidé, en pleine tourmente économique, de cesser de publier ses chiffres sur le chômage des 16-24 ans, après le niveau record enregistré en juin 2023 de 21,3%.
[13] Pour rappel, fin juin 2023, le groupe « Wagner » avait cherché à déstabiliser le Kremlin au travers d’une rébellion de très courte durée. Son chef, déclarait alors, au moment des événements, que cette opération ne visait pas à renverser le régime mais « à sauvegarder l’organisation paramilitaire, menacée d’un démantèlement par l’état-major russe, jugé incompétent dans ce conflit militaire »….
[14] Nos lecteurs pourront se reporter à une très vaste littérature en ce domaine, notamment à : Le Monde en 2040, vu par la CIA, Un monde plus contesté, Editions des Equateurs, 2021 ; au Conseil National du Renseignement des Etats-Unis, Global Trends 2040, Un monde plus controversé (version française) ; à Michel Camdessus, Vers le monde de 2050, Fayard, 2017 (décrivant les dynamiques en cours et les priorités d’avenir) ; à L’Année stratégique 2023 (dir. Pascal Boniface), Armand Colin, 2022 ; à la revue magistrale Futuribles, l’anticipation au service de l’action. Cf. le dernier numéro, 2050, de juillet-août 2023, n°455 (consacré à la transition énergie-climat, à la modernisation vue de la Chine et à l’Europe géopolitique…) et à l’ouvrage collectif, dirigé par Michel Duclos, déjà cité plus haut.
[15] Autant de constats mis à plat, aggravés par trois phénomènes convergents :
- la fragmentation, nous y revenons, se traduisant par une forte tendance à la « communautarisation » des pensées et à l’exacerbation des divisions,
- le déséquilibre, décelant un écart croissant entre les enjeux à traiter et le moyens que se donnent les systèmes et les organisations étatiques ou internationales,
- la contestation ou forte pression des populations mettant les Etats « sous tension » et sur le plan mondial » se traduisant par une compétition féroce autour des règles du jeu à établir.
[16] Le rapport de la CIA stipule en la matière que « les Etats les plus efficaces seront probablement ceux qui parviendront d’une part à instaurer un consensus et une confiance au sein de la société en vue d’une adaptation collective, et d’autre part à utiliser l’expertise, les capacités et les relations, des acteurs non étatiques pour suppléer aux lacunes de l’Etat ». Cf. op.cit., 2021, p. 31
[17] A ces éléments s’ajoutent en effet d’autres mouvements structurels intéressant les vingt prochaines années : à savoir, d’une part, l’objectif « d’atténuer les émissions de gaz à effet de serre et d’atteindre la neutralité carbone », sur fond d’inégales « répartitions des responsabilités et des avantages au sein des pays » (op. cit., p. 75 et s.) et, d’autre part, des « tendances économiques mondiales qui façonneront les Etats en leur sein et dans leurs relations internationales : augmentation de la dette nationale, fragmentation de l’environnement commercial (…), nouvelles perturbations de l’emploi » (op. cit., p. 95 et s.)
[18] Op.cit., p. 53 et s.
[19] Ajoutons la question cruciale de l’eau, ressource précieuse et objet de conflits (haut niveau de stress hydrique pour au moins un quart de l’humanité à ce jour). Cf. Franck Galland, Guerre et eau, L’eau, enjeu stratégique des conflits modernes, Laffont, 2021
[20] Op.cit., 2021, p. 70
[21] Le dernier exemple a concerné la Tunisie, confrontée à de très vives tensions, où des migrants, originaires de l’Afrique subsaharienne, viennent dans le pays (à Sfax notamment), pour tenter de rejoindre ensuite l’Europe par la mer, en débarquant sur les côtes italiennes. Le Président Kaid Saeid réfute toute campagne d’arrestations et d’expulsions, telle que dénoncée par les ONG et l’ONU (il est indiqué, selon ces sources, que des centaines d’exilés d’Afrique ont été contraints « d’errer » à la frontière entre la Lybie et la Tunisie, après leur abandon par les autorités tunisiennes)
[22] Si les contours demeurent encore flous, l’Union européenne souhaite, après l’accord conclu récemment avec la Tunisie, négocier avec le Maroc et la Tunisie concernant la lutte contre l’immigration irrégulière, au travers d’aides financières directes et d’une politique destinée à faciliter les retours des migrants (venus de ces pays ou d’autres, issus du continent africain ayant transité par ces zones géographiques. Cf. TV5Monde, 18 juillet 2023
[23] f. Patrick Stéphanini, Immigration, Ces réalités qu’on nous cache, Laffont, 2020, dressant avec minutie un tableau statistique complet de l’immigration depuis 20 ans en France (démographie, origine des migrations, solde migratoire…), accompagné de constats éclairants quant à l’impuissance de nos gouvernements face à la situation provoquée (modèle social abîmé, échec patent en matière d’intégration, poussée du fondamentalisme islamique chez les nouveaux immigrants…) et surtout, à leur incapacité à doter notre pays d’une stratégie en matière d’immigration. Propose aussi des mesures précises qui, à défaut d’être consensuelles et encore moins définitives, pourraient être utiles au débat : « contrôle des frontières extérieures à l’Europe, dépôt des demandes d’asile hors du territoire français, révision radicale de notre politique d’aide au développement et refonte des règles d’acquisition de la nationalité française "
[24] Op.cit., p. 114 et s.
[25] En distinguant « l’IA étroite » visant la résolution de problèmes spécifiques, à « l’IA générale » (AGI), système qui pourrait alors égaler la capacité de compréhension et d’apprentissage d’un être humain.
[26] Cf. blog de Jérôme Gabriel, Sun Tzu parle aux dirigeants stratèges, Global Trends 2040
[27] Cf. op.cit., p. 190 et s.
[28] In Revue Politique étrangère, juin 2022
[29] Cf. op.cit., p. 197
[30] Op.cit., p.199
[31] La « doctrine » de la dissuasion perd d’ailleurs de son sens dans le cadre d’une diffusion plus grande de l’armement nucléaire, complexifiant, en effet, le respect des différents paliers d’escalade (la sophistication des armes conventionnelles et hypersoniques, la défense antimissile, la robotique… « brouillent » également les stratégies dissuasives). Il faut ajouter à ce sujet et pour les mêmes raisons, les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre des traités de « non-prolifération » et le respect des normes (d’autres obstacles apparaîtront par ailleurs dans la « limitation » de l’emploi de l’IA, relevant d’applications autant militaires que civiles).
[32] En référence à la démarche d’Hugues de Jouvenel et des « inventeurs » de la prospective, Cf. Invitation à la prospective, Futuribles, 2004 et Cf. également Liam Fauchard, Philippe Mocellin, Conduire une démarche de prospective territoriale, L’Harmattan, 2009
[33] Op. cit., p. 202 et s. Cf. également www.unfpa.org 8 tendances pour un monde de 8 milliards de personnes (la croissance sans précédent de la population mondiale, enjeu pour le développement humain, est due notamment à l’augmentation de la durée de vie, aux progrès en termes de santé publique, de nutrition, de médecine et d’hygiène corporelle et à des taux de fécondité élevés dans certains pays du Sud). Cf. également Vincent Geloso, Atlantico.fr, 20 août 2023 (insistant sur le fait, indicateurs à l’appui, que le monde connaît « des progrès humains spectaculaires et qu’il serait moins inégal aujourd’hui que dans les années 1990 »).
[34] Pour illustration, le dernier message fort adressé, lors de la rencontre de Camp David de la mi-août, par les Etats-Unis, le Japon et la Corée du Sud, à la Chine, qui dénonce « le comportement agressif et les revendications maritimes illégales de la Chine dans les eaux de la région indopacifique ». Cf. Le Parisien, 18 août 2023. Michel Duclos, op. cit précise cependant qu’au travers de la guerre ukrainienne, « un tabou est tombé, celui de l’agression d’un membre permanent du conseil de sécurité contre un voisin », légitimant une possible action de force de la Chine contre Taïwan.
[35] N’anticipant pas suffisamment, à son goût, « les ruptures stratégiques des années à venir ». Cf. Vers un monde plus contesté ? Le dernier « Global Trends » du NIC à la lumière des rapports antérieurs, Futuribles, n° 443, 2021/4
[36] Se référer aussi à celles déjà formulées dans une précédente contribution. Cf. op.cit., GéopoWeb, 7 janvier 2021
[37] Cf. à propos de cette notion, le rapport, datant de 2016, rédigé par l’équipe de l’Emerging Markets Forum et intitulé : Le Monde en 2050 - Lutter pour une communauté mondiale plus juste, prospère et harmonieuse dans ses relations internationales, Oxford University Press et également Hubert Védrine, Et après ? Fayard, 2020
[38] A cet égard, certains nationalistes chinois ont annoncé « la fin de la parenthèse occidentale », in Hubert Védrine, op.cit.
[39] Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), réunis en sommet du 22 au 24 août à Johannesburg, ont fait valoir, en tant que pays dits « émergents » (ou plutôt, gestation d’un nouveau mouvement de puissances « non alignées ») leurs propres vues sur le monde, visant à « réduire leur dépendance vis-à-vis du dollar » ainsi que l’opportunité d’accueillir six nouveaux membres (dont l’Iran et l’Arabie Saoudite) afin de renforcer leur poids vis-à-vis du G7 Cf. Le Figaro, 24 août 2023. Ne sont pas pour autant unanimes et chacun « a tendance à défendre », comme le souligne Zaki Laïdi, « son propre agenda » Cf. Le Monde, 22 août 2023 et même si, au travers de ce projet d’élargissement, les BRICS représenteront, à partir de 2024, plus de 35% du PIB mondial et près de 50% de la population de la planète.
[40] L’Echo des Arènes, 2023
[41] Cf. Jean-Marc Siroen, Et les grands perdants du nouvel ordre économique sont…, Atlantico, 16 août 2023
[42] Cf également les débats autour du statut du 6ième continent de l’Antarctique, considéré comme un « bien commun », protégé de l’exploitation des ressources minérales, selon les dispositions du traité de Washington de 1959
[43] Hubert Védrine, op.cit., 2020, p. 82
[44] François d’Alançon, Comment relancer la gouvernance mondiale ? La Croix, 28 mai 2020
[45] Comme l’indique, par exemple, Thomas Gomart (IFRI), la gouvernance du cyberespace, se jouant principalement entre les Etats-Unis et la Chine et les plateformes numériques, auraient alors besoin de ce « cadre politique pour accompagner les transformations technologiques », cité par François d’Alançon, op. cit
[46] Michel Duclos (dir), op.cit.
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