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LES GIGAFACTORIES, BIG IS BEAUTIFUL ? GIGAFACTORY ET DÉCARBONATION, DEUX MOTS QUI VONT TRÉS BIEN ENSEMBLE ? Sophie BOUTILLIER

INTELLIGENCE ECONOMIQUE. SÉCURITE ÉCONOMIQUE ET ENTREPRISES STRATÉGIQUES

GUERRE ÉCONOMIQUE : NOUS DEVONS CHANGER DE GRILLE DE LECTURE ! Nicolas MOINET

COWORKING ET GIGAFACTORIES, VERS UNE NOUVELLE UTOPIE ? Sophie BOUTILLIER et Eve ROSS

LES MINES AU SERVICE D’UNE SOUVERAINETÉ DECARBONÉE. Par Didier JULIENNE

REINDUSTRIALISER LA FRANCE : UN PARI IMPOSSIBLE ? LA STRATEGIE.

RÉINDUSTRIALISER LA FRANCE : UN PARI IMPOSSIBLE ? Par Laurent IZARD

« RESPONSABILITE DES ENTREPRISES : QUAND L’HISTOIRE S’ACCELERE… ». PAR SYLVIE MATELLY

BANQUES ET MARCHÉS, UN ENJEU GÉOPOLITIQUE MAJEUR. Par Alain LEMASSON

📌 PREMIERES MESURES DE SOUVERAINETE ECONOMIQUE ET TECHNOLOGIQUE POUR L’EUROPE. UN TOURNANT ?

LE CAPITALISME DE PLATEFORME ET LA PRECARISATION DE L’EMPLOI, UNE REALITE REINVENTEE ? Par Sophie BOUTILLIER

RENAULT, ENTRE INTERVENTIONNISME DE L’ÉTAT ET DEFICIT STRATEGIQUE. PAR A. LOUVEL

L’INTELLIGENCE ECONOMIQUE EN ACTION (S). Analyse de cas pratiques par Nicolas MOINET

De la FUSION ALSTOM-SIEMENS à ALSTOM- BOMBARDIER ?

LE DOSSIER STX/FINCANTIERI. L’Etat à la manoeuvre

FUSION ALSTOM-SIEMENS : un déficit stratégique de l’Etat français et de l’U.E...

DOSSIER FINCANTIERI : quel avenir pour l’industrie navale européenne ?

LE PARTENARIAT BOMBARDIER-AIRBUS, reflet d’une compétition acharnée

Le GROUPE PSA, un groupe stratégique

UNE SYNERGIE D’ACTIVITES ? Engie, EDF et Areva

L’AXE TECHNOLOGIQUE : Gemplus/ Gemalto, Daily motion

samedi 20 mai 2017 Etudiants Prépa HEC1

1. LES SOCIETES GEMPLUS/GEMALTO

L’origine de ces sociétés. Leurs activités notamment stratégiques. Leurs déboires et rachats. La réaction des autorités françaises (Pourquoi ? Comment ?). Où en est Gemalto aujourd’hui ? Ses défis, quels propriétaires ?
L’affaire Gemplus/Gemalto, une perte technologique pour le pays ?

Gemplus est une société spécialisée dans la fabrication de cartes à puce fondée en 1988 par six ingénieurs de Thomson. Ceci fut rendu possible par 100 millions de Francs d’aides publiques et d’importantes commandes de France télécom pour ses cartes téléphoniques. L’entreprise se développe très vite dans les années 90 avec une croissance de 40 % par an. Elle n’a que très peu de concurrents. Le savoir faire de Gemplus a attiré les investisseurs américains et l’entreprise a été au centre d’une guerre économique.

En 2000 le Fonds d’investissement Texas Pacific Group, entre dans le capital a hauteur de 26 % ce qui lui permet d’obtenir une majorité au Conseil d’Administration et de transférer le siège social au Luxembourg. En 2002, alors que l’entreprise connait des difficultés, Alex J. Mandel administrateur de In-Q-Tel (Fonds d’investissement contrôlé par la CIA/NSA), est nommé à la tête du Conseil d’Administration. C’est une manoeuvre politique menée par la CIA dans sa volonté de contrôler la cryptologie mise en oeuvre dans les cartes a puce. Il va faire le vide autour de lui pour devenir seul maitre à bord afin de mettre la main sur les technologies. Ce n’est qu’en 2006 à la suite d’une fusion avec Axalto que Gemplus devient Gemalto. L’Etat a joué un rôle clé dans cette fusion pour faire barrière aux Fonds d’investissements américains. En 2009 l’Etat entre finalement dans le capital de Gemalto à hauteur de 8 % via le Fonds Stratégique d’investissement (FSI). C’est une volonté stratégique de remettre la main sur des technologies et des informations qui pourraient lui échapper. L’entrée de l’Etat dans le capital de Gemalto intervient surtout au moment où les Américains annonçaient le transfert des centres décisionnels, de recherche et développement de l’entreprise aux EU.

Principaux actionnaires aujourd’hui

EPIC BPI Groupe : 8,51 % ; Monsieur S.N. Quandt : 5,67 %
Pioneer Asset Management : 4,86 % ; FMR LLC : 4,77 %
Monsieur S.H.U. Klatten née Quandt : 3,21 % ; Aviva : 3,20 %
Blackrock : 3,05 % ; OppenheimerFunds : 3,05 %
Capital Research and Management Company : 3,01 % ; Capital Group International : 3,01 %

Comme le rappelait alors dans Le Figaro, Gilles Michel (directeur du FSI), « la mission du FSI est d’être un Fonds avec un œil stratégique. Sa vocation est d’investir dans les entreprises qui seront porteuses de l’économie aujourd’hui et demain ». Aux derniers sceptiques concernant cette intervention de l’Etat, le journal les Echos apportent une réponse tranchée : « La raison d’une intervention de l’Etat se trouve assurément dans les activités « stratégiques » pour le pays. Il s’agit de la sûreté des cartes de crédit, la protection de l’identité et des données, des services de santé et de transport, l’e-gouvernement et les programmes nationaux d’identité. » En 2010 Texas Pacific Group revend toutes ses actions de Gémalto. Ce repli vient matérialiser l’échec américain qui tentait de s’accaparer les technologies du géant français. Aucun concurrent crédible américain n’a vu le jour et seul le groupe Schlumberger Sema est aujourd’hui en concurrence direct avec Gemalto. Les principaux actionnaires sont le Fonds d’investissement français, Quandt, Pioneer, FMR LLC (Fonds d’investissement américain), Aviva (assurance Grande Bretagne) et BlackRock (Fonds d’investissement américain)
L’entreprise (70 % du marché mondial de la carte bancaire) recentre son activité sur le développement de logiciels et services sécurisés pour l’accès à des comptes bancaires, à des Cloud, sur les télécoms et les services financiers, les cartes SIM (fournit 450 opérateurs), l’authentification mobile, la sécurisation des communications entre objets connectés et serveurs, la fourniture de passeports biométriques, les cartes d’identité biométriques, les permis de conduire, les cartes santé, la reconnaissance de visage en temps réel.

La firme Gemalto n’a pas été à l’abri des scandales. En 2015, Edgar Snowden a ainsi révélé que le matériel de Gemalto (les cartes SIM) avait été victime d’une série de piratages en 2010/2011 par les services secrets britanniques. Cette action a permis d’écouter les conversations téléphoniques ou d’intercepter des SMS de millions de personnes. De la même façon avant la revente des actions par le Fonds américain, la NSA a fait pression sur les cadres de l’entreprise pour mettre en place un réseau d’écoute mobile. Si l’on ajoute le dysfonctionnement de milliers de cartes de crédit en Allemagne durant l’année 2010, on comprend mieux les difficultés que connait l’entreprise. En 2017, il y a eu une baisse importante des résultats annoncés par l’entreprise (décroissance de 7 à 9 %) et une baisse du cours en bourse de l’entreprise, conséquence du plan fixant les objectifs de rentabilité et de profits de l’entreprise pour 3 ans. Le marché américain des cartes de crédit ne se développe pas comme prévu. Les nombreux rachats effectués par Gemalto ne portent pas l’entreprise et pèsent dans les comptes. Pour faire face à ces difficultés, Olivier Piou, PDG de l’entreprise depuis 2006 veut orienter l’entreprise vers l’automobile du futur.
N. Zimmerman, juin 2017

2. LA SOCIETE DAILY MOTION

Le parcours d’innovation de cette société, les péripéties de son rachat. Ses activités, son poids économique, problématiques à surmonter. Quels outils pour la souveraineté technologique ? Le retour du politique dans ce dossier : un désastre ?
Dailymotion, un outil pour préserver la souveraineté et le rayonnement technologique du pays ?

DAILY MOTION EST UNE ENTREPRISE FRANÇAISE CREEE EN MARS 2005 (par Benjamin Bejbaum et Olivier Poitrey). Cette entreprise propose un service d’hébergement, de partage et de visionnage de vidéo en ligne. Activités : Daily motion propose à ses utilisateurs de télécharger et de mettre en ligne un nombre illimité de vidéo. Le site se divise en différentes catégories de vidéos pour un usage plus facile de la part des utilisateurs (vidéo d’actualité, de sports extrêmes, de voyages, clips vidéo...). Le site Dailymotion.com est disponible dans plusieurs dizaines de langues différentes ce qui rend son usage accessible à une grande partie de la planète. Poids économique : le site se place à la 2ème place mondiale, derrière Youtube pour le visionnage de clips internet. A l’international, le groupe compte 300 millions de fidèles, il est très populaire en Asie.

SON RACHAT A CONNU DE NOMBREUSES PERIPETIES

L’entreprise fût d’abord soutenue par des financements individuels lors de sa création. En 2009, l’Etat français investit 7,5 millions d’euros dans le capital de Dailymotion par le biais du Fond Stratégique d’Investissement (FSI) avant d’en sortir en 2011. Cette même année, France Télécom Orange s’introduit dans le capital de Dailymotion en prenant 49 % des parts du capital.
En 2013 on apprend que Yahoo négocie avec Orange pour faire l’acquisition de 75 % des parts du groupe.. Mais le 1er mai 2013, Arnaud Montebourg indique qu’il est intervenu pour empêcher cette transaction, ne souhaitant pas qu’elle concerne plus de 50 % des parts. Il a contraint Orange à détenir 100 % des parts. L’Etat français possède 27 % des parts d’Orange, ainsi le groupe Orange ne pouvait aller à l’encontre de la décision de l’Etat. Cette intervention étatique a provoqué de vives critiques surtout vis-à-vis du ministre de l’économie et des finances Moscovici s’indignant du manque de concertation avant la prise de décision. Par la suite, Orange a annoncé un investissement de 30 millions d’euros pour développer la start-up. En septembre 2015, Orange trouve deux entreprises pour le rachat de ses parts soit PCCW (géant chinois des télécoms) et ProSieben (groupe allemand). Encore une fois, l’Etat français bloque les négociations préférant un choix national. Vivendi fût alors préféré et rachète d’abord 80 % des parts d’Orange. Aujourd’hui il détient 90 % du capital de Dailymotion.

LE PARCOURS D’INNOVATION DE LA SOCIETE
Tout d’abord l’entreprise s’internationalise. En janvier 2008, Dailymotion ouvre ses premiers bureaux à Londres, en avril 2009 à New York puis s’implante à San Francisco en 2011. Elle a une forte empreinte internationale réalisant 85 % de son chiffre d’affaire à l’étranger. Le site n’a cessé d’améliorer la qualité des vidéos proposés. Fin 2012, l’entreprise qui vivait jusqu’à lors uniquement des revenus publicitaires, décident de diversifier ses recettes en proposant un service de vidéo à la demande. En mars 2015, Dailymotion se dote d’une nouvelle identité graphique avec la création d’un nouveau logo et d’un nouvel habillage. Il dévoile un nouveau lecteur HTML5. Vivendi souhaite aujourd’hui éditorialiser la plateforme. Objectif : offrir un daily digest (« résumé quotidien ») des vidéos à ne pas manquer dans 4 domaines : la musique, l’information, le sport et le divertissement. En revanche, il ne s’agit pas de faire de Dailymotion un éditeur. Ceci priverait la plateforme de son statut d’hébergeur, qui lui permet de ne pas être tenu responsable des contenus mis en ligne par les internautes sur son site. De plus Vivendi veut associer le contenu avec le canal de diffusion. Par exemple en diffusant sur la plateforme des vidéos exclusives en provenance de Canal + ou des clips d’Universal Music (partenaire et filiale de Vivendi). Pour se démarquer, l’entreprise mise tout sur la qualité et la pertinence des vidéos proposées. Dailymotion vise un public plus âgé, de 25 à 49 ans. Pas question de mettre en avant des chroniqueuses beauté comme EnjoyPhoenix ou les humoristes à la Cyprien. L’idée est de favoriser les contenus « premium » en attirant les éditeurs. Une gageure quand, en face, YouTube est très généreux à leur égard. En 2017, Dailymotion crée son application.

LES PROBLEMATIQUES A SURMONTER

Ces projets seront-ils suffisants pour inverser la tendance face à leur concurrent Youtube ? Les deux plateformes ont été créés la même année, pourtant YouTube s’affirme très vite comme le géant des vidéos en ligne. On constate un retard de Dailymotion présent dans 38 pays contre 70 pour Youtube, avec 300 millions d’utilisateurs contre 1 milliard pour la plateforme américaine. Youtube a pu bénéficier de la taille du marché américain et surtout du rachat par Google qui a investi en masse dans la plateforme en misant sur la publicité. Enfin contrairement à Youtube, l’entreprise française n’a jamais été rentable. Alors que beaucoup misait sur Dailymotion comme symbole du web et du numérique français, l’entreprise a rencontré des temps difficiles surtout depuis l’intervention de l’Etat. On peut alors se demander si le retour du politique n’a pas justement compromis le développement de Dailymotion. Par exemple, Yahoo aurait pu investir plus que les entreprises actuelles dans le capital et permettre à Dailymotion de concurrencer Youtube sur le territoire américain. Mais le rôle d’Orange et Vivendi peut aussi être interrogé. En effet, ils ont peu investi dans la plateforme malgré ce qui avait été annoncé. On déplore le manque d’investissement d’Orange pour développer encore plus l’entreprise à l’international. Plus particulièrement, depuis le rachat de Vivendi, Dailymotion a perdu la moitié de ses salariés. L’audience a dégringolé en dix-huit mois de 43 % tombant à 5,2 millions de visiteurs uniques. Le site est passé de la 22e à la 58e place des sites Internet français. Dans le même temps, YouTube gagnait 3,4 millions de fidèles, atteignant 26,7 millions de visiteurs uniques. On peut ainsi se demander si le développement des start-up prometteuses françaises technologiques peut se faire sans la participation américaine ? Pour Dailymotion les difficultés économiques rencontrées sont-elles le prix à payer pour la souveraineté technologique ?

En un an et demi, Dailymotion a subi de fortes secousses : 70 % des équipes ont été renouvelées. Le Comité de Direction est désormais composé de huit dirigeants venant de Canal+. Pour redresser la barre, l’entreprise continue d’embaucher. Mais la rationalité de l’investissement de Vincent Bolloré reste posée. En 2015, la perte était déjà de 24 millions d’euros, portant le déficit à 85 millions d’euros. La situation s’est encore dégradée en 2016. Le chiffre d’affaires a chuté de 20 % à 61 millions d’euros, quand, jusqu’alors, la croissance était de 18 %. On voit cependant un petit progrès avec aujourd’hui 400 employés et l’ouverture d’un bureau à Abidjan. Dailymotion a donc un potentiel de développement.

SYNTHESE
Pour conclure, alors que Dailymotion se présentait comme une entreprise française florissante dans le domaine de la technologie et du web, celle-ci a rencontré de nombreuses difficultés surtout depuis les derniers rachats effectués sous l’égide de l’Etat. Ce que l’on pourrait nommer du patriotisme économique a finalement compromis, pour une part, le développement de l’entreprise. Enfin même si Dailymotion attire les utilisateurs et rencontre un succès comme en Asie, elle fait surtout face à un concurrent toujours plus imposant et dominant qui est Youtube.
V. Perrin, E. Simsovic, Z. Tronel, juin 2017

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