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FUSION ALSTOM-SIEMENS : un déficit stratégique de l’Etat français et de l’U.E...

lundi 11 février 2019 Patrick LALLEMANT

Echec de la fusion Alstom-Siemens : un déficit stratégique de l’Etat français et de l’U.E

Le 6 février 2019, la Commission européenne met son veto à la fusion Alstom-Siemens, un échec supplémentaire pour un futur « Airbus du rail » et/ou champion européen. Des projets qui semblent échouer les uns après les autres. La Commission possède un droit de veto sur les grosses fusions depuis 1989.

On suivra dans les années à venir la stratégie de l’entreprise chinoise du rail CRRC, née du rapprochement de 2 entreprises d’Etat. En somme un exemple de plus, s’il en fallait, de guerre économique entre un capitalisme d’Etat et un capitalisme occidental largement privatisé, dit autrement, entre un empirisme économique et une sacro-sainte doctrine néo-libérale aveuglée

CRRC s’est déjà introduite en Europe de l’Est. M. Bruno Le Maire affirme que la société chinoise construit 200 trains à grande vitesse par an contre 35 pour Siemens... Désormais nos Ministres des Finances, français et allemand, (Peter Altmaier) plaident pour une révision du droit européen de la concurrence ! « N’y a-t-il pas des domaines tels que l’aviation, les chemins de fer, les banques où vous devez prendre le marché mondial comme référence plutôt que l’européen ? » (Peter Altmaier).

En décembre 2018, il était encore difficile de conclure sur le résultat de cette fusion, tant le contexte récent avait profondément renversé la situation face aux intérêts américains et allemands. Depuis une quinzaine d’années, la Sté Alstom s’est inscrite dans la triste histoire du déclin d’un fleuron technologique français. Plus encore, elle peut être lue comme un symbole supplémentaire du déclin d’un modèle national, que nous appellerons par simplification, néo-colbertiste.

Péchiney, Arcelor et maintenant Alstom... La France perdrait un à un ses champions nationaux. Lors de ces rachats par des groupes industriels étrangers, ce sont surtout les pertes des centres de décision qui sont problématiques. Des pans entiers de l’industrie (y compris stratégiques) ne sont désormais plus gérés par la France. Les causes de ce “déclin” sont multiples et illustrées de façon différente selon les positions doctrinales : manque de capital, manque d’attractivité (du fait du Code du travail...), taille du marché, erreurs politiques etc...

La France risque alors de devenir un simple enjeu, de n’être plus qu’un terrain de bataille pour les firmes étrangères, sans qu’elle ne puisse plus s’imposer au niveau décisionnel. Pourtant historiquement, rapportée à la taille de son économie, le pays est au-dessus de la moyenne européenne en termes de nombre de grandes entreprises. Des champions nationaux construit largement sous la surveillance et la férule de l’Etat interventionniste gaulliste.

Très récemment, les autorités de la concurrence britannique, néerlandaise, belge et espagnole s’étaient inquiétées auprès de la Commission européenne de ce projet de fusion, en évoquant « une perte globale de concurrence très importante ». En février 2019, Bruxelles rejette donc ce projet d’union entre les deux géants du rail européen, Alstom et Siemens. Les deux groupes avaient proposé ce dernier mois de décembre des concessions modestes pour obtenir l’aval de la Commission européenne. La Commissaire européenne à la Concurrence (Margrethe Vestager) avait elle-même exprimé ses craintes concernant en particulier la fusion, dans le secteur des trains à très grande vitesse.

« Les américains se sont fait rouler »... déclarait la journaliste Bertille Bayard dans le Figaro du 23 octobre 2018. Le rachat de la branche énergie d’Alstom serait un énorme fiasco stratégique en raison des difficultés majeures de General Electric suite au retournement du marché de l’énergie. Division par trois des investissements dans les centrales à charbon et des ventes de turbines à gaz de GE Power, effondrement des prix du à la concurrence...

L’Union européenne subit pourtant un nouveau déficit stratégique... problématique dans un monde économique soumis à l’hypercompétitivité et aux rachats d’entreprises favorables à la construction de la puissance. A suivre

A lire, l’inexorable montée du péril industriel chinois, S. Delanglade, éditorialiste Les Echos du 27/02/2019
https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/0600775754194-linexorable-montee-du-peril-industriel-chinois-2248183.php

https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/02/06/alstom-devrait-annoncer-l-abandon-du-projet-d-union-ferroviaire-avec-siemens_5419706_3234.html

https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/0600655935250-relancer-leurope-par-lindustrie-2243273.php

https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/02/11/la-politique-industrielle-francaise-est-dans-une-triple-impasse_5422000_3232.html

https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/0600684460668-alstom-siemens-pourquoi-la-commission-a-raison-de-rejeter-la-fusion-2244154.php

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Mots-clés

guerre économique
Europe

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